LE DICTIONNAIRE DES DOMAINES INTELLECTUELS ET LA GRAMMAIRE FRANCAISE.

cet espace est un moment particulier de connaissance, car la langue est aussi bien un moyen de communication que de connaissance de tous les domaines intectuels. Son apprentissage nécéssite une concentraction particuliere défiant toute légèreté. la grammaire approfondie, l'étymologie, la phonétique... doivent en etre les éléments fondamentaux sans la maitrise desquels toute tentative d'apprentissage de la langue se reduirait à un simple formalisme.

mardi, juillet 31, 2007

1.










La Linguistique

PRÉSENTATION
acte de langage, action exercée par la parole (on parle aussi, dans ce même sens, d’« acte de parole »).

2.
« QUAND DIRE, C’EST FAIRE »
Selon la pragmatique, le langage ne se réduit pas à un simple code visant à exprimer la pensée et à échanger des informations. Il est également le siège où s’accomplissent des actes qui visent à modifier la réalité. Ainsi, en disant Je baptise ce bateau Queen Elizabeth (en brisant la bouteille sur la coque), je ne fais pas que parler, mais j’accomplis, en parlant, un véritable acte de baptême (à la suite de cet acte, ce navire s’appellera Queen Elizabeth). De même, lorsque le juge d’un tribunal déclare La séance est ouverte, il accomplit un véritable acte de parole, qui consiste à ouvrir la séance (la séance n’est réputée ouverte qu’à la suite de cette formule).
À côté de ces actes de parole qui, pour s’accomplir, nécessitent un contexte social approprié, il existe toute une série d’actes, dits « ordinaires », que le langage accomplit sans exiger des conditions aussi spécifiques. Ainsi, en proférant Je t’ordonne de te taire ou Quelle heure est-il ?, j’accomplis, par le fait même de dire, des actes réels (ordre, question), qui prétendent influer sur mon interlocuteur en l’amenant à faire ou à dire quelque chose.

3.
LES DIFFÉRENTS TYPES D’ÉNONCÉS

1.
Performatif vs constatif
C’est le philosophe anglais J. L. Austin qui, le premier, a introduit la notion d’acte de langage. Au départ, Austin distingue deux types d’énoncés affirmatifs :
— les constatifs, qui décrivent le monde, et peuvent, par conséquent, recevoir la sanction vrai / faux : (1) La Terre est ronde.
— les performatifs, qui ne décrivent rien (et ne peuvent donc pas recevoir une valeur de vérité), mais accomplissent une action : (2) Je te promets de venir.

2.
Performatif explicite vs performatif implicite
Au cours de sa réflexion, Austin s’est aperçu qu’à côté des performatifs explicites comme (2), il existe des performatifs implicites. Un énoncé comme (3) : (3) Je viendrai.peut être compris comme une promesse, qui ne se distingue alors de (2) que par le caractère implicite de l’acte de promesse accompli.
Parallèlement, proférer (1), ce n’est pas simplement rapporter un fait, mais aussi affirmer la réalité de ce fait. Or, l’affirmation est aussi une action qui engage la responsabilité du locuteur. L’énoncé (1) est en effet comparable à (4) : (4) J’affirme que la terre est ronde.
Cela signifie que les énoncés constatifs accomplissent également des actes de langage. La distinction entre performatif et constatif n’étant plus aussi tranchée, Austin se propose de l’abandonner en profit d’une théorie générale des actes de langage.

4.
LES ACTES LOCUTOIRE, ILLOCUTOIRE ET PERLOCUTOIRE
Dans le cadre de la théorie des actes de langage, Austin distingue trois types d’actes accomplis grâce au langage :
— un acte locutoire, qui correspond au fait de dire, dans le sens de produire de la parole (en articulant et en combinant des sons et des mots selon les règles de la grammaire) ;
— un acte illocutoire que l’on accomplit en disant quelque chose : j’accomplis un acte de promesse en disant Je promets, de questionnement en employant une interrogative, d’ordre en employant un impératif, etc. ;
— un acte perlocutoire qui correspond à l’effet produit sur l’interlocuteur par l’acte illocutoire. En posant une question, je peux m’attendre, au niveau perlocutoire, à toute une série de réactions possibles : je peux, par exemple, obtenir la réponse demandée, mais aussi une non-réponse, une contestation de la part de l’interlocuteur sur mon droit de lui poser des questions, etc.
La notion d’acte de langage est une notion centrale qui a donné naissance à la pragmatique. Depuis J. L. Austin, elle n’a pas cessé de susciter relectures et commentaires, à la fois chez les philosophes du langage (notamment J. R. Searle, disciple d’Austin), et chez certains linguistes, parmi lesquels il convient de citer Émile Benveniste et Oswald Ducrot.

Agrandir

1.
PRÉSENTATION
analyse conversationnelle, étude des règles qui sous-tendent le fonctionnement des conversations naturelles, c’est-à-dire le discours oral coproduit par deux ou plusieurs participants. L’analyse conversationnelle est née de la rencontre entre plusieurs disciplines, dont la linguistique énonciative (énonciation), la pragmatique et la sociologie.

2.
OBJET D’ÉTUDE ET MÉTHODES DE L’ANALYSE CONVERSATIONNELLE
À partir d’un courant de la sociologie, appelé l’ethnométhodologie, fondé à la fin des années soixante par Harold Garfinkel, un certain nombre de recherches se sont intéressées à l’étude de l’interaction verbale.
Contrairement aux travaux strictement linguistiques, qui s’appuyaient alors principalement sur l’étude de la langue écrite, ces recherches se proposaient d’étudier le discours oral ordinaire. Or, dès que le discours oral acquiert le statut d’objet d’étude à part entière, la prise en compte du co-discours (produit par l’autre interlocuteur) devient nécessaire.
En effet, les premiers travaux sur la conversation naturelle, menés notamment par Harvey Sacks au début des années soixante-dix, ont montré que l’interprétation d’un énoncé dépend, en grande partie, de son placement au sein de séquences d’actions. Par exemple, un simple énoncé comme Salut ! n’a pas la même interprétation, ni la même implication sur l’interlocuteur, selon sa position dans la séquence conversationnelle (il peut constituer une salutation qui ouvre une conversation, un retour de salutation, une salutation qui clôt une conversation, etc.).
Rendre compte de ces variations, c’est bousculer les frontières classiques de l’analyse linguistique. L’analyse conversationnelle, s’inscrivant dans une perspective de dialogue, a ainsi été amenée à travailler sur des unités supérieures à la phrase, c’est-à-dire principalement sur des couples d’énoncés (échanges de salutations, question-réponse, offre-acceptation, etc.), appelés paires adjacentes.
De même, l’interprétation d’un énoncé dépend de son environnement conversationnel. Selon cet environnement, une question de type Qu’est-ce que tu fais le week-end prochain ? peut être interprétée soit comme une simple demande d’information, soit comme une pré-invitation ou comme une pré-requête. Et, à son tour, l’interprétation de cet énoncé par l’interlocuteur va déterminer les conséquences séquentielles (si, par exemple, le destinataire interprète la question comme une pré-invitation et qu’il y est favorable, il répondra Rien ; si, au contraire, il interprète la question comme une pré-requête, et qu’il désire y échapper, il indiquera à l’interlocuteur les activités qu’il compte mener durant le week-end).
Là aussi, rendre compte de ces phénomènes n’est pas sans conséquences sur le plan méthodologique. Entre autres, l’analyse conversationnelle devra tenir compte des facteurs situationnels, dont le contexte interactionnel et social, ce qui implique une démarche transdisciplinaire, faisant appel notamment à la pragmatique, à la psychosociologie et à l’ethnographie de la communication.

3.
QUELQUES THÈMES DE RECHERCHE DE L’ANALYSE CONVERSATIONNELLE
La conversation est vue comme une structure complexe, composée d’un certain nombre de séquences conversationnelles, qui correspondent généralement à des paires adjacentes.
Cette organisation séquentielle a fait l’objet de plusieurs études, qui ont, par exemple, montré qu’il existe un système d’allocation des tours de parole qui régule la participation à la conversation. Ici, on se pose, par exemple, les questions de savoir comment et à quel moment un participant prend la parole, et quelle est la part de chacune des composantes communicatives (contenu du message, intonation, gestes, etc.).
De même, ces recherches se sont, par exemple, intéressées au problème de la cohérence de la conversation. Il a été notamment montré que les conversations se déroulent selon un mode d’organisation préférentielle : par exemple, les séquences offre-acceptation, requête-acceptation, critique-contestation sont préférées, et se rencontrent plus souvent que les séquences offre-refus, requête-refus, critique-admission.

Agrandir

1.
PRÉSENTATION
argument (linguistique), notion d’origine logique employée en sémantique pour désigner ce qu’on appelle quelquefois en syntaxe actants (terme générique qui regroupe sujet et compléments).
Cela revient à identifier les arguments aux différents participants qu’un procès (considéré alors comme un prédicat) met en rapport les uns avec les autres dans le cadre d’une relation prédicative. Ainsi, dans une phrase comme Pierre offre des fleurs à Marie, on distinguera le prédicat offre des trois arguments qu’il met en relation, Pierre, des fleurs et Marie.

2.
PRÉDICAT ET ARGUMENTS
Prédicat désigne la classe des termes qui ont la particularité de s’employer en association avec d’autres termes qui les complètent et auxquels ils attribuent une fonction sémantique. Arguments désignent les termes sélectionnés par le prédicat, qui leur assigne ainsi une fonction sémantique particulière — Agent, But, Thème, Destinataire, etc. — appelée rôle thématique.
Les prédicats (qui expriment des actions, des états ou des propriétés) sont le plus souvent assumés par les verbes, alors que les arguments sont nécessairement des noms. Mais seuls les noms référentiels (qui dénotent des entités concrètes ou abstraites) peuvent être des arguments (ce qui exclut par exemple le pronom impersonnel il qui n’est pas référentiel).
La notion sémantique d’arguments correspond en extension à la notion syntaxique d’actants. Mais la distinction n’est pas simplement terminologique.

3.
RELATIONS SYNTAXIQUES VS RESTRICTIONS SÉLECTIONNELLES
Les différents termes d’une phrase entretiennent un certain nombre de relations syntaxiques, déterminées en grande partie par la valence ou la sous-catégorisation du verbe (la liste des actants qu’il met en rapport). Or, d’un verbe à l’autre, la liste de sous-catégorisation peut varier, à la fois en nombre (dormir n’exige qu’un seul actant, le sujet ; construire exige, outre un sujet, un complément d’objet, etc.), et en catégories grammaticales (appeler exige un complément de type nominal ; téléphoner exige un complément de type prépositionnel, etc.). Ce sont des contraintes de ce type qui expliquent le rejet des phrases comme *Pierre dort Marie, *Pierre a appelé à Marie.
En revanche, le rejet des phrases suivantes : *Pascal effraie le silence éternel *Le cadavre exquis boira le vin nouveaumême s’il est dû aux relations entre le verbe et ses actants, n’est pas lié à la sous-catégorisation (puisque chacun des deux verbes employés exige un groupe nominal sujet et un groupe nominal objet, qui sont tous deux présents) et ne relève donc pas de la syntaxe.
La raison de cette inacceptabilité est sémantique : le prédicat effrayer exige que l’un de ses arguments (en l’occurrence le patient) soit spécifié [+ animé], ce qui n’est pas le cas du groupe nominal le silence éternel ; boire se construit avec un agent animé, ce qui n’est pas le cas du groupe nominal le cadavre exquis.
Il existe donc entre les différents termes d’une phrase, outre les relations strictement syntaxiques, des relations sémantiques, en vertu desquelles le verbe, en tant qu’opérateur, impose à ses divers arguments des contraintes d’ordre sémantique, appelées restrictions sélectionnelles.
Agrandir

1.
PRÉSENTATION
bilinguisme et multilinguisme, situation linguistique caractérisant les sujets parlants qui pratiquent concurremment deux langues (bilinguisme) ou plus (multi ou plurilinguisme).

2.
CRITÈRES DÉFINITOIRES DU BILINGUISME
Si la plupart des linguistes rejettent le critère basé sur le degré de maîtrise des deux langues (qui veut que seuls les individus maniant parfaitement les deux langues soient considérés comme bilingues), la notion de bilinguisme (comme celle, connexe, de multilinguisme) oscille entre une acception restrictive et une acception plus large.
Dans un sens restrictif, on définit le bilinguisme par rapport au mode d’apprentissage des langues. Est considéré dans ce cas comme bilingue l’individu qui possède « naturellement » deux langues maternelles (par opposition au polyglotte qui apprend l’une des deux langues grâce à l’enseignement scolaire). Mais on peut estimer qu’il n’est pas toujours aisé de distinguer entre l’acquisition naturelle et l’apprentissage scolaire, les deux modes d’apprentissage pouvant souvent cohabiter.
Dans un sens moins restrictif, on peut qualifier de bilingue tout sujet parlant qui pratique deux langues différentes dans sa communication orale ou écrite.

3.
PHÉNOMÈNE UNIQUE, SITUATIONS DIVERSES
Les situations dans lesquelles on parle de bilinguisme (ou de multilinguisme) sont extrêmement diverses. Le phénomène peut tout d’abord concerner un individu isolé qui, pour des raisons personnelles, est conduit à utiliser plus d’une langue dans ses relations sociales.
Moins marginal, le phénomène peut concerner tout un groupe d’individus (famille, communauté, peuple) qui, pour des raisons sociales, politiques ou historiques, sont amenés, pour communiquer avec l’extérieur, à parler une langue différente de celle qu’ils utilisent à l’intérieur du groupe. C’est par exemple le cas des familles émigrées en France qui peuvent continuer à pratiquer leur langue maternelle (arabe, malinké, wolof, etc.) à l’intérieur du groupe, mais ne peuvent communiquer avec l’extérieur qu’en français.
Le phénomène se rencontre également dans certaines régions de France, où parallèlement au français, érigé en langue institutionnelle, on pratique des langues dites régionales (l’alsacien, le breton, le basque…).
Le bilinguisme (ou le multilinguisme) peut également concerner une zone géographique (région, pays) où se côtoient des communautés linguistiques différentes. C’est, par exemple, le cas de la plupart des états africains dont les frontières géographiques englobent un ensemble plus ou moins important de communautés linguistiques. C’est aussi le cas de certains pays européens (Belgique, Suisse, etc.).

4.
LES OBJETS DE RECHERCHE
On peut d’abord s’intéresser au bilinguisme (ou au multilinguisme, ce qui est valable pour l’un l’est pour l’autre) dans le cadre d’études strictement linguistiques, où l’on cherche, par exemple, à étudier l’interaction de deux systèmes linguistiques en contact. Ce contact n’influence pas uniquement les individus et les groupes bilingues, mais aussi les langues elles-mêmes, puisqu’il peut donner naissance à des affinités linguistiques entre systèmes, voire quelquefois à une langue mixte (voir pidgin).
Le bilinguisme intéresse également la psycholinguistique, où l’on se pose notamment la question de l’acquisition des deux langues, et de leur influence (positive ou négative) sur la psychologie de l’individu et sur les diverses stratégies qu’il met en œuvre pour communiquer dans l’une ou l’autre des deux langues.
Enfin, la sociolinguistique s’intéresse également au phénomène du bilinguisme, pour étudier par exemple le statut des langues en contact (certaines sont érigées en langues officielles, d’autres sont considérées comme des dialectes et dépréciées), la répartition démographique et sociale des sujets bilingues, les situations de communication dans lesquelles on emploie l’une ou l’autre des langues, ainsi que les conflits sociaux et politiques que ce contact peut générer.
Agrandir

1.
PRÉSENTATION
communication, dans un sens large, toute opération de transfert ou d’échange d’informations entre un « émetteur » et un « récepteur ».
Dans ce sens, la communication ne se réduit pas à l’échange verbal, puisqu’il existe bien d’autres systèmes de communication, aussi bien humains (l’écriture Braille, la signalisation routière, les cartes, etc.), que non humains (par exemple, la danse des abeilles).
Quel que soit le type de communication, le transfert d’informations n’est possible que si émetteur et récepteur partagent, au moins partiellement, le code (c’est-à-dire le système de signes) dans lequel a été transcrit le message.

2.
DIFFÉRENTS TYPES DE COMMUNICATION
Telle qu’elle vient d’être définie, la communication constitue un phénomène omniprésent, que l’on rencontre chez tous les organismes vivants. Par exemple, les différents signaux (olfactifs, sonores, visuels) que les animaux émettent (pour protéger leur territoire, échanger des informations concernant les sources de nourriture, rechercher un partenaire sexuel, etc.) seront considérés comme étant des manifestations de la communication animale.
Chez l’Homme, la communication ne se réduit pas non plus à des échanges verbaux, puisque, en dehors même de la langue des signes, nous émettons et recevons sans cesse, entre autres, des signaux visuels (postures, gestes, mimiques) et tactiles (les différents touchers, de la poignée de main aux caresses amoureuses). Ces signaux peuvent remplacer certains énoncés verbaux, mais peuvent aussi les accompagner ou les illustrer (comme dans les gestes illustratifs : « un poisson gros comme ça »), voire les contredire (par exemple dans certains types d’ironie).

3.
LA COMMUNICATION LINGUISTIQUE
La communication verbale, capacité spécifique de l’espèce humaine, est le mode principal de communication entre les hommes, et utilise le langage naturel.
Elle peut être définie par un certain nombre de caractéristiques. En premier lieu, elle suppose chez les interlocuteurs un équipement anatomique (un appareil vocal et un appareil auditif, constitués d’un certain nombre d’organes périphériques) et, surtout, un équipement neurophysiologique particulier.
C’est cet équipement qui donne au langage naturel sa caractéristique principale, à savoir sa nature articulée. Selon beaucoup de linguistes, cette caractéristique permet de distinguer le langage humain de la communication animale, dans la mesure où seul le premier utilise des unités articulées entre elles : les phonèmes (les plus petites unités distinctives) et les morphèmes (ou monèmes, c’est-à-dire les plus petites unités porteuses de sens). La double articulation du langage naturel permet ainsi de distinguer la communication verbale de tous les autres types de communication.

4.
LE SCHÉMA DE COMMUNICATION SELON JAKOBSON
Les premières théories de la communication ont été élaborées au milieu du xxe siècle par des ingénieurs américains qui cherchaient des solutions aux problèmes techniques liés à la perte d’informations (notamment lors de la transmission télégraphique).
Les modélisations qu’ils ont proposées, de portée très générale, ont inspiré plusieurs linguistes, dont Roman Jakobson qui a proposé le schéma de communication le plus simple et le plus connu :

Dans ce schéma, on peut identifier un destinateur (émetteur) qui émet un message à un destinataire (récepteur). Le message est transmis grâce à l’existence d’un code (la langue) partagé par les deux participants qui, pour qu’il y ait transmission d’informations, doivent obligatoirement entrer en contact (un contact qui suppose une connexion physique et psychologique). L’ensemble s’inscrit dans un contexte (verbal ou susceptible d’être verbalisé) (Voir aussi fonctions du langage).
Agrandir

1.
PRÉSENTATION
commutation, manipulation qui consiste à substituer, dans un environnement donné qui reste inchangé, une unité linguistique à une autre unité, différente mais appartenant à un même niveau hiérarchique (phonème, morphème, mot, syntagme).

2.
IDENTIFIER LES DIFFÉRENTES CLASSES PARADIGMATIQUES
Comme toute manipulation, la commutation se présente comme un test qui vise notamment à identifier les différentes classes paradigmatiques. Si, en effet, deux unités linguistiques peuvent commuter, c’est-à-dire peuvent apparaître dans le même environnement, elles seront considérées comme formant une seule et même classe paradigmatique.
Ainsi, dans une phrase comme Un petit train traversait la plate campagne, on peut substituer, à l’intérieur du groupe nominal sujet, à l’article un, des éléments comme le, son, ce, etc. Ces éléments seront donc considérés comme appartenant à une même classe grammaticale, celle des déterminants, qui englobe ce que la grammaire traditionnelle distinguait en articles, adjectifs possessifs, adjectifs démonstratifs, etc.
La notion de commutation a d’abord été introduite en phonologie, où elle s’est montrée particulièrement féconde, avant d’être importée dans les autres niveaux de l’analyse linguistique, notamment en morphologie et en syntaxe.

3.
LA COMMUTATION EN PHONOLOGIE
La commutation permet l’identification des différents phonèmes dans une langue donnée. Ainsi [p] et [b] sont deux phonèmes distincts du français, puisqu’ils peuvent commuter dans un même environnement, et qu’en commutant ils donnent naissance à deux mots distincts sémantiquement : par exemple, [pe]~[be], [po]~[bo], etc.
La substitution d’une suite sonore à une autre n’entraîne pas systématiquement un changement sur le plan du signifié. Dans ce cas, on ne considère pas les deux sons comme des phonèmes distincts, mais plutôt comme deux variantes distinctes d’un même phonème. Il en est ainsi du phonème [r] en français, qui peut aussi bien se prononcer [ ] (r dit apical, ou roulé, qu’on rencontre dans certaines régions de France) que [R] (le r parisien du français standard), sans que cela affecte le signifié (le mot amour, par exemple, reste le même mot, qu’on le prononce [amuÿ] ou [amuR]). On dira que [r] et [ ] sont deux variantes libres du même phonème [r].

4.
LA COMMUTATION EN MORPHOLOGIE ET EN SYNTAXE
En grammaire, on préfère généralement parler de substitution plutôt que de commutation, même si aujourd’hui on utilise les deux termes de façon indifférente pour nommer toute manipulation de remplacement d’une unité par une autre.
Le distributionnalisme, fondé par Leonard Bloomfield, est le premier modèle grammatical à avoir emprunté à la phonologie la notion de commutation, dans le but d’identifier les différentes classes grammaticales de langues inconnues : toutes les unités lexicales pouvant se substituer les unes aux autres dans le même environnement syntaxique sont considérées comme appartenant à la même classe.
Depuis, la commutation figure parmi les manipulations syntaxiques fondamentales auxquelles le linguiste fait appel.
Agrandir

1.
PRÉSENTATION
connecteur, notion d’origine logique qui désigne en linguistique tout élément servant à relier entre elles des propositions, ou, plus généralement, des séquences textuelles.

2.
DÉFINITION
Il s’agit d’unités lexicales appartenant à diverses catégories grammaticales : conjonctions de coordination (et, mais, etc.) et de subordination (parce que, puisque, etc.) ; adverbes (alors, finalement) ; groupes prépositionnels (d’une part, en tout cas, etc.). Ces unités ont pour point commun de ne pas faire partie intégrante des propositions, et de contribuer à la structuration d’un texte en établissant toutes sortes de liens logico-sémantiques entre ses séquences, ce qui permet de les regrouper au sein de la classe des connecteurs.
En reliant des propositions ou des séquences textuelles, le connecteur permet d’expliciter la relation qui s’établit entre elles. Dans une phrase comme Je pense, donc je suis, le connecteur donc marque une relation de consécution.

3.
CLASSEMENT DES CONNECTEURS
On propose pour les connecteurs plusieurs classifications concurrentes, qui varient sensiblement d’un travail à l’autre.

1.
Classifications de type fonctionnel
Certaines se fondent sur un critère fonctionnel, en opposant deux classes de connecteurs selon le rôle qu’ils jouent : d’une part, ceux qui jouent un rôle dans l’exposition, comme les connecteurs rhétoriques (d’abord, ensuite, enfin, d’une part, d’autre part, etc.) et les connecteurs métatextuels (voir ci-dessous, ci-dessus, ci-joint, etc.) ; d’autre part, les connecteurs qui jouent un rôle dans la démonstration et l’argumentation (en effet, en revanche, ainsi, etc.).

2.
Classifications de type logico-sémantique
D’autres classifications se fondent plutôt sur le type de lien logico-sémantique qui s’établit entre les propositions. Là aussi, les listes établies diffèrent sensiblement selon les auteurs. On peut, à titre d’illustration, en présenter les principales classes généralement distinguées :
— les connecteurs temporels, qui s’emploient principalement pour marquer l’organisation chronologique des événements décrits : et, puis, alors, ensuite, etc.
— les connecteurs spatiaux, qui marquent la localisation spatiale : ici, en bas, à gauche, etc.
— les connecteurs argumentatifs, qui explicitent les liens logico-sémantiques entre les séquences textuelles. Ces liens sont de différents types : ils peuvent exprimer l’opposition ou la concession (mais, pourtant, quand même, etc.), l’explication et / ou la justification (car, parce que, puisque, etc.), la conclusion (donc, aussi, ainsi, etc.), etc.
— les connecteurs énumératifs, qui permettent de recenser une série d’éléments (d’abord, ensuite, enfin, et, ou, aussi, également, de même, etc.)
— les connecteurs de reformulation, qui indiquent la reprise de ce qui a été dit précédemment (autrement dit, en un mot, en somme, en résumé, etc.).
Il convient de préciser que ces classifications sont loin d’être étanches, puisqu’un même connecteur peut se ranger dans plusieurs classes sémantiques. C’est que la valeur exacte d’un connecteur est en grande partie déterminée par le type de texte où il est employé. Par exemple, le connecteur alors joue un rôle conclusif (analogue à donc) dans un texte argumentatif, et un rôle chronologique dans un texte narratif.
Agrandir



Ferdinand de Saussure















Ferdinand de Saussure
Portrait du Suisse Ferdinand de Saussure, fondateur de la linguistique moderne.
Encyclopédie Encarta
Keystone/Stringer/Getty Images






Agrandir





Cours de linguistique générale [Ferdinand de Saussure], ouvrage publié par C. Bally et A. Séchehaye en 1916, qui constitue une recomposition synthétique de l’enseignement de Ferdinand de Saussure à l’université de Genève.
Bally et Séchehaye rendent compte de la linguistique de Saussure en faisant un travail de reconstitution à partir de notes prises par ses élèves entre 1906 et 1911. Le Cours de linguistique générale s’intéresse à la notion de langue, « la langue envisagée en elle-même et pour elle-même ».
Pour exprimer la spécificité de la langue, Saussure considère celle-ci comme un système, c’est-à-dire un ensemble dont toutes les parties sont interdépendantes ; en même temps, il inaugure la notion de signe linguistique. Ce signe est composé d’un signifié (le concept) et d’un signifiant (« l’empreinte psychique du mot »). Un signifié n’existe pas sans un signifiant, et inversement ; Saussure a montré le caractère indissociable des deux éléments du signe par la célèbre image de la feuille de papier dont « on ne peut découper le recto sans en découper en même temps le verso ».
C’est sur cette notion de signe que s’échafaude toute la linguistique saussurienne. Saussure élabore ainsi les unités de phonème, de morphème ou encore de syntagme,et il montre comment la langue peut être appréhendée selon deux points de vue opposés, l’un synchronique et l'autre diachronique. La perspective synchronique étudie la langue dans son fonctionnement effectif en un temps donné, tandis que la dimension diachronique s’intéresse à la langue dans son évolution.
On a souvent dénoncé les limites, voire l’absurdité, d’une œuvre construite à partir de notes d’élèves, mais en même temps personne n’a jamais remis en question l’importance d’une telle reconstruction qui a révélé ce qui compose les fondements de la linguistique moderne.
Agrandir

1.
PRÉSENTATION
signe (linguistique), en sémiotique, indice ou marque ayant une signification autre que sa signification littérale. La signification usuelle du mot signe comme indice ou symptôme diffère de la définition qu'en donnent la philosophie, la linguistique et la sémiotique et qui est extrêmement variable, dans la mesure où le concept a une longue histoire.

2.
LE SIGNE À TRAVERS L’HISTOIRE
Pour la philosophie médiévale, le prototype du signe est le signe verbal, le mot. Il est défini comme une chose qui en représente une autre (aliquid pro aliquo). Les médiévaux ont distingué notamment entre « signes de choses » et « signes de signes » les emplois où un signe se représente lui-même (« homme est un mot de cinq lettres »), à savoir l’autonymie. Pour la philosophie de l'âge classique, le signe est un substitut (une carte géographique est une chose, mais cette chose est le signe, la représentation, d'autre chose). Le signe, dans cette perspective, est l'idée que la chose fait naître dans l'esprit.

3.
LE SIGNE AUJOURD’HUI : LA SÉMIOTIQUE
Agrandir

1.
PRÉSENTATION
concept (philosophie) (du latin conceptus, participe passé du verbe concipere, « former en son sein, contenir »), représentation abstraite et générale d’une chose ou d’un fait.
L’« Homme », par exemple, est une représentation générale ou en genre qui comprend aussi bien les individus actuels (présents) que virtuels (passés ou à venir). En ce sens, comme une médaille, le concept offre toujours deux faces : il est interfacial, et cela à plusieurs niveaux.

2.
STRUCTURE LOGIQUE DU CONCEPT
De fait, les logiciens distinguent d’une part l’extension ou la dénotation d’un concept et, d’autre part, sa compréhension ou intension (dite aussi connotation). C’est que le concept peut être ou le sujet, ou l’attribut, dans une infinité de jugements possibles. Soit le concept d’Homme : son extension est la proposition prédicative : « un tel (ou un tel) est un Homme (exemple : Socrate est un Homme), et sa compréhension est la proposition réflexive : « l’Homme est tel (et tel) » (exemple : l’Homme est raisonnable, social, animal, bipède, mammifère, vertébré, etc.). Dans le premier cas, Homme est attribut ou prédicat et définit une classe ; dans le second cas, comme sujet du jugement, il détermine l’ensemble des caractères qui le définissent.
Notons, en outre, que l’extension d’un concept est toujours inversement proportionnelle à sa compréhension. Ainsi, le concept animal a une extension plus grande mais moins de compréhension que Homme. Autrement dit, plus un concept est dénoté ou général, plus il subsume d’objets, moins il est lui-même connoté, défini ou spécifique. Le concept être, par exemple, a une extension maximale (telle et telle chose est un être) pour un minimum de compréhension (l’être est telle et telle chose).

3.
RÉALISME ET NOMINALISME
L’ambiguïté constitutive du concept sera donc à l’œuvre dans son histoire même. En effet, c’est à sa « scissiparité » que nous devons l’opposition séculaire de deux tendances philosophiques : le réalisme et le nominalisme. En effet, si pour Platon toute la réalité (res) du concept est l’Idée, pour les sophistes, épicuriens et autres stoïciens notamment, le concept n’est qu’un nom (voces) : au premier point de vue, la représentation précède ses objets, quand au second, c’est l’inverse. Cette alternative, qui est à l’origine de la controverse dite « Querelle des universaux » au Moyen Âge, divise encore notre époque, quoique sous d’autres formes. Car la question se pose en effet de savoir d’où part l’esprit dans la formation des concepts : du genre ou de l’individu ? Précède-t-il l’expérience ou en procède-t-il ? Le conceptualisme, d’Abélard à Locke en passant par Descartes et Leibniz, répond que le concept est une réalité mentale abstraite, générale et latente, là où l’empirisme de Berkeley et Hume, ainsi que le sensualisme de Condorcet, prétendent que « la formation de nos idées n’est que la formation des noms qui sont des substituts », comme le résume sommairement Taine. Déterminé par ces derniers par sa fonction représentative, c’est-à-dire par rapport à l’objet (pensé), ou par rapport au sujet (pensant) pour les précédents, le concept semble ne régner que pour diviser la philosophie en deux tendances : soit on admet, en rationaliste, le primat de son universalité de droit, soit on la lui refuse de fait, comme les empiristes, en s’interrogeant sur le passage du divers sensible à une représentation universelle.

4.
LA TROISIÈME VOIE
En réalité, cette alternative ressortit à la structure différentielle du concept. Caractérisé à la fois par sa réflexivité ou sa déterminité (Bestimmheit, Hegel) et par sa transitivité ou son universalité, il est essentiellement un medium de la pensée : il ne vise le réel (cognition) qu’en désignant le sujet de cette visée (conscience). On ne le confondra donc pas avec l’idée issue de la tradition classique, en tant que type réalisé d’un être individuel ou singulier, non plus qu’avec l’image générique, « c’est-à-dire un état intermédiaire entre le particulier et le général, participant de la nature de l’un et de l’autre » selon Ribot. Il importe dès lors de distinguer conception (le concevable) et idéation (l’intelligible) : si la première est différentielle, l’autre peut être dite préférentielle. Et si le concept « est une fonction dont la valeur est toujours une valeur de vérité » selon Frege, il faut également dire avec Kant « que beaucoup de concepts naissent de déductions secrètes et obscures à l’occasion d’expériences, et se propagent ensuite de celles-ci à d’autres (...). De tels concepts peuvent être appelés subreptices. Il en existe beaucoup qui, pour partie ne sont qu’un égarement de l’imagination, et pour partie sont vrais, des déductions mêmes obscures n’étant pas toujours erronées. » Le départ entre ces deux types de déductions a reçu avec Hegel une solution qui, hormis les seuls présupposés métaphysiques qui la fondent, reste inattaquable : « Le concept, considéré superficiellement, apparaît comme l’unité de l’Être et de l’Essence. L’essence est la première négation de l’Être, qui devient par là apparence ; le concept est la seconde négation, ou la négation de cette négation, donc l’être restauré, mais comme la médiation infinie et la négativité de l’être en lui même. ». Si c’est là clore le destin métaphysique de la raison, en identifiant le droit et le fait (du concept), il revient pour ainsi dire à Heidegger d’avoir promu la subreption du concept au titre d’objet digne d’être pensé comme différence ontico-ontologique.
Agrandir

1.
PRÉSENTATION
synchronie et diachronie, états de la langue qui permettent une étude fonctionnelle du système.
La synchronie (du grec syn- « même » et kronos « temps »), état de la langue à un moment donné plus ou moins figé, s’oppose à la diachronie (du grec dia « à travers » et kronos) qui, elle, étudie la langue dans son évolution à travers les âges. On parle également de linguistique descriptive ou de linguistique statique pour désigner l’étude synchronique et de linguistique évolutive ou linguistique historique pour l’étude diachronique.

2.
OPPOSITION SYNCHRONIE / DIACHRONIE
La synchronie considère la langue à un moment donné, comme un état en soi, indépendamment de son évolution, de son histoire. Elle analyse des faits de langue tels qu’ils se réalisent au moment considéré, que ce moment soit présent ou passé. On peut ainsi étudier par exemple comment se marque le pluriel en français moderne (par la lettre s, la lettre x, le suffixe -aux ou une absence de marque selon la forme du nom au singulier) ou comment il se marquait en latin (variable en fonction du type de déclinaison auquel le nom appartient et en fonction du cas). L’étude diachronique, elle, s’intéresse à un fait de langue à travers son évolution dans l’histoire. Elle s’attache par exemple à décrire et analyser comment s’est marqué le pluriel au cours de l’histoire du français et peut ainsi expliquer pourquoi les mots en -al du français contemporain ont généralement un pluriel en -aux.

3.
SYNCHRONIE ET DIACHRONIE CHEZ SAUSSURE
C’est à Ferdinand de Saussure que revient l’idée d’introduire l’opposition synchronie / diachronie (chapitre III de son Cours de linguistique générale où il donne à synchronie ce nouveau sens et crée le mot diachronie). Il affirme donc qu’il y a absolue nécessité à distinguer sans aucun compromis les deux points de vue synchronique et diachronique et est l’un des premiers à défendre l’idée que l’on peut établir des règles de fonctionnement d’une langue indépendamment de toute considération historique. Alors que les grammairiens expliquaient jusque-là tel ou tel fait de langue en se référant aux origines (et au latin plus particulièrement pour le français), Saussure montre comment la langue à un moment donné peut constituer un tout cohérent et complet. Il s’appuie notamment sur le fait que la plupart des locuteurs n’ont aucune connaissance de l’histoire de la langue qu’ils parlent : « Il est évident que l'aspect synchronique prime l'autre, puisque pour la masse parlante il est la vraie et la seule réalité » (Cours de linguistique générale). Pour illustrer son propos, il compare l’évolution d’une langue à une partie d’échecs. Le jeu étudié à un moment donné dépend certes de la façon dont s’est déroulée la partie jusqu’alors, mais il est tout à fait possible de décrire de façon exhaustive et systématique la disposition des pièces sur l’échiquier, leur rapport les unes aux autres, sans avoir recours à la description et à l’analyse des différents coups qui ont été joués auparavant.

4.
LES LIMITES DE L’OPPOSITION SYNCHRONIE / DIACHRONIE
Une langue étant en perpétuelle évolution, certains linguistes, dont André Martinet dans l’Économie des changements phonétiques (1955), se sont demandé s’il n’était pas vain de chercher à l’analyser et à la décrire à un moment arrêté et figé. En effet, alors même que le linguiste étudie un fait de langue, ce fait même est en train d’évoluer. « Quel intérêt accorder à une étude portant sur la distinction entre les phonèmes […] (un de brun) et […] (in de brin) alors que cette distinction est en train de disparaître dans la plupart des régions de France ? ».
. Défense et Illustration de la langue française [Joachim Du Bellay], petit opuscule placé en tête du premier recueil poétique de Joachim Du Bellay, l’Olive et quelques autres œuvres poétiques, publié en 1549, et qui se présente comme un manifeste polémique en faveur d’un renouveau de la langue et des Lettres françaises.

2.
UN MANIFESTE ÉCLATANT




Joachim Du Bellay
















Joachim Du Bellay
Portrait de Joachim Du Bellay, dessin anonyme, milieu du XVIe siècle. Bibliothèque nationale de France, Paris.
Encyclopédie Encarta
Giraudon/Art Resource, NY






Agrandir





La Défense et Illustration de la langue française suffit à faire d’un inconnu le porte-parole de la Brigade (future Pléiade), qui ambitionne de renouveler et de purifier les Lettres françaises. La mission première de la Défense est d’être une préface exposant globalement les choix poétiques de l’auteur, où il importe à Du Bellay de légitimer sa production et de se démarquer, au nom de son groupe, des idées et des modèles exposés un an auparavant par l’Art poétique de Thomas Sébillet. Un ton polémique et militant lui donne cependant des allures de manifeste, inversant les intentions de l’auteur : sa carrière s’ouvre par une réflexion théorique sur la poésie, dont l’Olive est l’illustration.

3.
LA LANGUE, CŒUR DE LA CULTURE
Encadrés
ENCADRÉ
Du Bellay, Défense et Illustration de la langue française (extrait)
Écrite à la gloire de la langue française, la Défense et Illustration de la langue française affiche, comme un plaidoyer, la foi de son auteur et de toute une génération de poètes dans les possibilités encomiastiques et artistiques du langage. Du Bellay invite, en effet, ses lecteurs à considérer chaque langue comme une culture qu’il convient d’enrichir, de travailler, de structurer « avec art et inspiration » et que seule la poésie, qui en est la quintessence, pourra porter à sa perfection.
ouvrir l'encadré
Plus qu’un art poétique, la Défense est une réflexion esthétique sur la langue française se proposant, en deux livres et douze chapitres, de rendre compte globalement de la pensée intellectuelle du siècle. Prendre la défense de sa langue et désirer l’enrichir à des fins nobles et patriotiques n’est pas un fait nouveau. Les littérateurs renaissants en ont toujours exprimé le souhait, revendiquant une volonté d’égaler les Anciens dans leurs réalisations et de s’honorer dans des genres nobles et une langue riche. Bien que Du Bellay puise aux mêmes sources et caresse les mêmes idéaux, la Défense se distingue en tant que programme dynamique à appliquer méthodiquement dans chacune des expériences poétiques afin de parvenir au dessein sublime et de l’empêcher de n’être qu’une utopie conceptuelle.

4.
POUR UNE POÉSIE NOUVELLE
Le manifeste développe quatre grandes idées : faire triompher la langue française contre les « latinisants » et ceux qui l’utilisent mal ; enrichir le vocabulaire et les procédés en évitant la traduction ; créer une nouvelle poésie qui abandonnerait les genres antérieurs médiévaux et marotiques (en référence à Clément Marot), privilégiant les genres et les maîtres antiques ; considérer que la fonction divine du poète n’est rien si elle n’est pas accompagnée d’un long travail qui mènera celui qui chante et celui qui est chanté à la gloire nationale et à l’immortalité.

5.
FACE À L’ITALIE, TRANSFÉRER L’EMPIRE
La préoccupation de l’auteur s’inscrit dans le combat humaniste gallican avançant que le français vaut l’italien, dont la littérature se targue d’avoir recréé la latinité. Dans cette perspective de rivalité admirative envers l’Italie, Du Bellay s’emploie à fonder une poétique plagiant, intégrant et dépassant les modèles italiens puis antiques, afin de faire accéder le français au rang des langues matricielles.

6.
POLÉMIQUES ET MALENTENDUS
Le texte entraîne les ripostes, Sébillet en tête, répondant immédiatement par la traduction de l’Iphigénie d’Euripide. Suivent le Quintil Horatian d’Aneau, qui réhabilite les proscriptions, et la Réplique de Guillaume Des Autels signalant les dangers de l’imitation. Soutenu par Ronsard, Du Bellay répond dans la seconde édition de l’Olive par quelques objections dédaigneuses à des détracteurs persuadés d’avoir affaire à une entreprise intéressée qui condamnait la littérature marotique sous le couvert d’une lutte avec l’Italie.
dénotation et connotation, ensemble des significations premières et dérivées d’un signe linguistique.

2.
LA DÉNOTATION
En philosophie du langage, la dénotation d’une unité lexicale désigne l’ensemble des objets du monde auxquels elle renvoie. Dans ce sens, la dénotation peut être identifiée à la référence. Par exemple, le mot homme dénote la classe d’objets du monde ayant la propriété d’être des hommes.
Depuis Hjelmslev, les linguistes ne posent plus généralement le problème en termes de rapports entre le signe et son éventuel référent extralinguistique, et, s’intéressant exclusivement à la constitution interne du signe, définissent la dénotation comme étant le rapport unissant un signifiant (l’expression) à son signifié (le contenu). Ce rapport de signification est supposé stable et théoriquement partagé par l’ensemble de la communauté linguistique en question. C’est donc la dénotation qui constitue le garant du contenu conceptuel du lexique d’une langue.

3.
LA CONNOTATION
La connotation se définit, par opposition à la dénotation, comme l’ensemble des significations secondes et variables selon les contextes qui s’attachent aux signes linguistiques, et viennent s’ajouter à leur sens ordinaire (ou dénotatif).
Ainsi, si l’on prend le terme mère, on constate qu’à côté du sens premier qu’il dénote — « une femme qui a mis au monde un ou plusieurs enfants » —, on lui attache souvent des valeurs métaphoriques qui expliquent son emploi dans des expressions comme la mère patrie, la maison mère, etc. Ces emplois sont possibles dans la mesure où ce terme suggère — ou évoque — une série de significations secondes, de type « amour », « protection », etc., qui se superposent à son sens premier.
Il en est de même pour un terme comme nuit, qui dans son sens strict dénote l’espace de temps qui s’écoule entre le coucher et le lever du soleil, mais qui, dans certains contextes, notamment dans le langage poétique, évoque les notions de « tristesse », de « mort », ou d’« ignorance » : Dans la nuit où nous sommes tous, le savant se cogne au mur (Anatole France).
On pourrait ainsi multiplier les exemples de valeurs connotatives qui se superposent aux valeurs dénotatives des termes.

4.
LES CARACTÉRISTIQUES DU LANGAGE CONNOTATIF
Contrairement au langage dénotatif, la connotation se présente comme un langage instable, à la fois sur le plan du contenu et sur celui de l’expression. Sur le plan du contenu, on constate qu’un signifiant connotatif donné n’est pas attaché au même signifié. L’effet de sens produit peut, en effet, varier considérablement d’un groupe à l’autre, voire d’un individu à l’autre. Sur le plan de l’expression, les signifiants connotatifs ne coïncident pas toujours avec les signifiants dénotatifs, puisqu’ils englobent, outre les unités lexicales, toute une série d’éléments de divers ordres.
On trouve ici des facteurs qui relèvent, par exemple, du registre de la langue. Ainsi, si les mots chien et clébard désignent le même animal, ils se chargent de sens connotatifs distincts, et peuvent ainsi nous renseigner sur l’origine sociale du locuteur et / ou sur la situation de communication.
Le sens connotatif peut être véhiculé par des facteurs phonétiques (par exemple, le ton sur lequel est prononcée une phrase apporte une information importante, qui peut être en contradiction avec le sens dénotatif) ou syntaxiques (par exemple, l’emploi d’une phrase de type *l’homme que je t’ai parlé, jugée inacceptable en français standard, nous renseigne sur le niveau culturel de son énonciateur).
D’autres éléments extralinguistiques (comme la gestuelle, les mimiques, etc.) peuvent également avoir un sens connotatif.
Agrandir

1.
PRÉSENTATION
discours, séquence orale ou écrite, produite par un locuteur donné dans une situation de communication précise.
Le terme discours étant sans doute l’un des plus polysémiques qui soit, cette définition, quoique applicable aux principales acceptions habituellement reconnues, ne peut que rester abstraite. La notion de discours ne prend en effet véritablement un sens précis et opératoire que par opposition à l’une ou l’autre des notions avec lesquelles elle est habituellement mise en corrélation.

2.
DISCOURS VS PHRASE
S’opposant quantitativement à la phrase, le discours peut être défini comme un ensemble d’énoncés. La phrase, jusque-là considérée comme le domaine ultime de l’analyse linguistique, devient une unité d’un objet plus grand, le discours. Or, ainsi que le souligne Émile Benveniste, les phrases entretiennent entre elles des rapports différents de ceux qu’entretiennent entre elles les unités inférieures à la phrase (phonèmes, morphèmes, mots, syntagmes). S’ouvrent ainsi de nouvelles perspectives de recherches linguistiques qui s’intéressent aux modes d’enchaînement entre phrases.
Parmi les premiers linguistes qui se sont intéressés à ce domaine, il convient de citer Zellig Harris, qui a proposé une analyse du discours qui cherche à décrire l’organisation lexico-sémantique et syntactico-sémantique des textes. Une linguistique textuelle est ainsi née, qui se propose d’étudier une série de phénomènes qui s’exercent entre phrases, comme l’anaphore ou la concordance des temps.

3.
DISCOURS VS LANGUE
Sur les traces de Gustave Guillaume, certains linguistes ont remis en cause la distinction saussurienne entre langue et parole, lui préférant la dichotomie langue / discours, le terme parole étant jugé référer exclusivement à l’oral. Dans ce sens, le terme discours est synonyme de parole et désigne l’actualisation concrète du système de la langue par un individu donné, dans une situation précise de communication.
Contrairement à Ferdinand de Saussure, qui voyait dans la parole le lieu où se manifeste la liberté du sujet parlant, on conçoit ici le discours comme une instance doublement contrainte, à la fois par le système de la langue, et par les conditions de sa production. Cette perspective permet la construction de problématiques nouvelles qui relèvent aussi bien de la linguistique que d’autres sciences humaines (l’histoire, la sociologie, la psychanalyse, etc.).

4.
DISCOURS VS RÉCIT
Par opposition à récit (ou histoire), Benveniste définit le discours comme un plan d’énonciation caractérisé par des énoncés, oraux ou écrits, qui réfèrent à l’instance d’énonciation, c’est-à-dire des énoncés qui comportent des embrayeurs (le temps présent, les pronoms personnels je et tu, et, plus généralement tout élément linguistique qui prend son sens en se référant à la situation d’énonciation). Quant au récit, il est défini comme étant un ensemble d’énoncés, généralement écrits, qui ne réfèrent pas à l’instance d’énonciation, et où « les événements semblent se raconter d’eux-mêmes » puisque l’énonciateur n’y laisse aucune trace (ni sous la forme du pronom personnel je, ni sous la forme d’aucun autre embrayeur). On peut définir le récit positivement comme le mode d’énonciation qui contient des énoncés où seule est présente la troisième personne, et où les formes temporelles privilégiées sont le passé simple, le passé antérieur, l’imparfait et le plus-que-parfait.
La distinction entre discours et récit, telle qu’elle a été proposée par Benveniste, a été discutée par de nombreux linguistes, au premier rang desquels il convient de citer U. Weinrich. Pour eux, cette distinction rend compte d’une tendance générale plutôt que d’une régularité absolue. Souvent, des éléments du discours et du récit cohabitent dans le même texte.
Agrandir

1.
PRÉSENTATION
embrayeur, terme proposé par Nicolas Ruwet pour traduire le terme anglais shifter utilisé par Roman Jakobson pour désigner « tout élément linguistique dont la signification générale […] ne peut être définie en dehors d’une référence au message ».
Ainsi, dans une phrase comme L’État, c’est moi, attribuée à Louis XIV, on ne peut identifier le référent du pronom personnel moi, et donc comprendre la signification précise de cet énoncé, que si l’on prend en compte la situation de son énonciation. Comme tout embrayeur, le pronom personnel moi désigne en effet la personne qui dit moi : l’identité de son énonciateur n’est donc pas restituable en dehors du contexte énonciatif.
Il en est de même de nombreuses autres expressions linguistiques, comme les pronoms personnels je et tu, qui renvoient respectivement au locuteur et à l’interlocuteur, les déictiques spatiaux comme ici, qui réfèrent au lieu de l’énonciation, les déictiques temporels comme l’adverbe maintenant, qui renvoient au moment de l’énonciation.

2.
TERMINOLOGIE
Outre embrayeurs, on peut rencontrer dans la « littérature » linguistique les termes déictiques, indicateurs, indices, pour désigner les éléments dont il est ici question.
Si les deux termes les plus courants — embrayeurs et déictiques — ne se recouvrent pas totalement, la plupart des auteurs les emploient aujourd’hui indifféremment.
C’est que la différence entre les deux termes concerne moins l’extension de cette classe, que la perspective choisie pour la définir. Lorsqu’on parle de déictiques, on insiste sur l’appel fait à la situation d’énonciation pour l’interprétation de ces éléments. On parle, en revanche, d’embrayeurs pour souligner la double caractéristique de ces éléments, à savoir, d’une part, leur appartenance au code (les éléments en question sont des signes linguistiques qui font partie de la langue), et, d’autre part, leur renvoi à la situation d’énonciation (ce sont des index qui s’interprètent en fonction de la situation). Il s’agit dans ce sens d’unités qui mettent en rapport — embrayent — le code avec la situation.
Cela explique le fait que certains linguistes maintiennent la distinction entre déictiques et embrayeurs, puisque les premiers peuvent contenir des éléments qui ne font pas partie du code (par exemple la gestuelle de monstration).

3.
VARIATION SÉMANTIQUE OU VARIATION RÉFÉRENTIELLE ?
De nombreux auteurs identifient les embrayeurs comme la classe d’éléments dont le sens varie avec la situation d’énonciation. Dans l’Énonciation. De la subjectivité dans le langage (1980), Catherine Kerbrat-Orecchioni précise à juste titre que ce n’est pas le sens des embrayeurs qui varie avec la situation, mais plutôt leur référent (voir référence). En effet, un terme comme je a toujours le même signifié, qui reste constant dans tous les emplois, et c’est plutôt le référent qui varie selon la situation : je a toujours comme signifié l’énonciateur, mais réfère à toute personne qui dit je.
Cela permet de donner une définition plus précise de la classe des embrayeurs identifiés comme des éléments « dont le sens implique obligatoirement un renvoi à la situation d’énonciation pour trouver le référent visé » (Kerbrat-Orecchioni).
Agrandir

1.
PRÉSENTATION
emprunt, mot qui appartient à une langue étrangère et que l’on utilise en français (le terme anglais sandwich, l’italien piano, l’espagnol armada, le norvégien fjord, etc.).
Par les emprunts qu’il fait aux autres langues, le français enrichit son lexique. Ce phénomène n’est pas récent : les langues ont toujours emprunté les unes aux autres des termes qu’elles se sont appropriés ou qu’elles ont fini par abandonner. C’est par exemple au XVe siècle que l’on a emprunté badge à l’anglais ; l’italien duo a été, lui, introduit au XVIe siècle.

2.
LA FRANCISATION DES EMPRUNTS
Lorsqu’ils s’intègrent au lexique, les emprunts subissent le plus souvent des transformations. Cela est d’autant plus valable que l’emprunt est ancien : il faut plusieurs décennies pour que le caractère « étranger » du mot disparaisse.

1.
Dans la prononciation
Les phonèmes pouvant être différents d’une langue à l’autre, il n’y a rien d’étonnant à constater que le premier degré de francisation des emprunts est leur prononciation. Tout d’abord, l’accent de mot, beaucoup plus présent dans des langues telles que l’anglais, l’italien ou l’espagnol, est très atténué lorsque le mot est prononcé par un francophone. De même, la distinction dans certaines langues entre voyelles longues et voyelles brèves disparaît en français. Ainsi Lied prononcé avec un long en allemand se prononce avec un bref en français. Par ailleurs, si un phonème est inconnu, il est remplacé par le phonème le plus proche. Les anglicismes en –ing sont le plus souvent prononcés et non comme en anglais. Enfin, il y a une certaine tendance à appliquer à la graphie du mot les phonèmes correspondants en français : la prononciation de shampoing correspond davantage à son écriture qu’à sa prononciation anglaise. De même, on prononce en français le plus souvent tagliatelle avec un et non pas , comme en italien.

2.
Dans la graphie
L’emprunt s’intègre également en conformant sa forme graphique au système du français. Tout d’abord, lorsqu’un emprunt est fait à une langue écrite dans un alphabet autre que l’alphabet latin, il fait nécessairement l’objet d’une translittération : à chaque lettre ou signe de la langue source, on fait correspondre une lettre ou un graphème en alphabet latin qui est le reflet le plus proche du phonème transcrit. Pour les langues ayant le même alphabet que le français, l’emprunt se fait généralement avec sa graphie d’origine. Ce n’est qu’au fil des années que la graphie évolue pour s’adapter au système français. On a par exemple emprunté au XVIe siècle ghirlanda à l’italien ; les dictionnaires du XVIIe siècle enregistrent les deux graphies : ghirlande et guirlande ; au XVIIIe siècle, seule la forme guirlande est retenue.
Cette francisation entraîne inéluctablement des hésitations : deux, voire plusieurs formes existent pour un même mot. Aussi les « Rectifications de l’orthographe » parues au Journal officiel du 6 décembre 1990 encouragent-elles les francisations : « dans les cas où existent plusieurs graphies d’un mot emprunté, on choisira celle qui est la plus proche du français (exemples : des litchis, un enfant ouzbek, un bogie, un canyon, du musli, du kvas, cascher, etc.) ». De même, on préfère accentuer le e quand il se prononce /e/ (référendum plutôt que referendum, désidérata plutôt que desiderata, etc.)

3.
Dans la morphologie
Le problème se pose essentiellement pour les noms et les adjectifs : comment former leur féminin et leur pluriel ? Selon les règles de la langue source ou selon les règles du français ? Pour le pluriel, dans la plupart des cas, on applique facilement la marque en –s (des casinos, des anoraks, etc.). Cependant, il existe un certain nombre de mots où le pluriel de la langue source fait plus ou moins concurrence au pluriel français. C’est le cas notamment des pluriels en -es anglais que l’on rencontre aux côtés du –s français : des whiskys / des whiskies, des matchs / des matches, etc. C’est également le cas pour les mots italiens ou latins empruntés sous la forme du pluriel et pour lesquels on hésite donc à mettre une « deuxième » marque de pluriel. Ainsi, les dictionnaires enregistrent souvent des mots tels que confetti, lasagne, desiderata, addenda comme étant invariables. Cependant, dans l’usage, la forme en -s au pluriel n’est pas rare : des spaghettis, des lasagnes, des addendas, etc.
Les marques du féminin quant à elles ont plus de mal à s’imposer et généralement, l’emprunt reste invariable : la littérature yiddish, une attitude zen, une punk, etc. Cela s’explique sans doute par le fait que dans notre système l’adjonction du e au féminin s’accompagne souvent d’autres transformations (changement de consonne finale, doublement de la consonne, passage de -er à -ère, etc.) et que les finales des emprunts se prêtent difficilement à ces transformations.

3.
EMPRUNT ET HÉRITAGE
Il faut bien distinguer l’emprunt de l’héritage. Le fonds du français est hérité en grande partie du latin : les mots latins se sont transformés au fil des siècles selon des lois phonétiques et ont donné peu à peu les formes que nous connaissons aujourd’hui (scola → escole → école). Beaucoup plus tard, alors que la forme scola avait totalement disparu, on a repris, on a « emprunté » cette forme au latin pour former de nouveaux mots (scolaire, scolarité, etc.).

4.
LES EMPRUNTS DE SENS ET LES CALQUES
Une langue peut également emprunter un sens à un mot de langue étrangère et l’appliquer au mot correspondant. Ainsi, le mot français culture signifie « civilisation » d’après le sens du mot allemand Kultur. Sévère a également pris le sens de « grave, difficile » d’après le sens de severe en anglais.
Le calque consiste à traduire littéralement une expression d’une langue étrangère : le français a ainsi créé au XVIe siècle bas-relief d’après l’italien basso-rilievo et au XIXe siècle chemin de fer d’après l’anglais railway.

5.
LES FAUX EMPRUNTS
Notons enfin quelques mots créés en français avec l’apparence de mots étrangers. C’est le cas de motus et de rasibus par exemple qui n’existent pas en latin ou de motocross inconnu en anglais. Par ailleurs, le français emploie des mots tels que parking ou footing qui ont un autre sens en anglais que celui que nous lui donnons.
Agrandir

1.
PRÉSENTATION
énonciation, processus de production linguistique d’un énoncé par un individu donné, dans une situation de communication précise. L’énonciation s’oppose ainsi à l’énoncé comme s’oppose l’action à son résultat.

2.
LES CARACTÉRISTIQUES DE L’ÉNONCIATION
Si l’étude strictement linguistique d’un énoncé peut se passer des circonstances réelles de sa production, l’étude de l’énonciation implique par définition la prise en considération d’un certain nombre de facteurs relatifs à la communication, au premier rang desquels il convient de citer : • les acteurs de la communication, c’est-à-dire le locuteur (ou l’énonciateur) et l’allocutaire (ou le destinataire) ; • la portion du temps chronologique où a lieu l’acte d’énonciation ; • le lieu spécifique où se situent les acteurs de la communication ; • plus généralement, tout élément dont la présence dans la situation de communication est considérée comme pertinent dans le processus d’énonciation.
La prise en compte de ces différents facteurs ouvre de nouvelles perspectives de recherche pour la linguistique.

3.
QUELQUES THÈMES DE RECHERCHE DE LA LINGUISTIQUE ÉNONCIATIVE
Comme le souligne Émile Benveniste, l’énonciation implique que le locuteur « mobilise la langue pour son compte ». Cela revient à considérer l’énonciation comme un processus individuel d’actualisation (ou de mise en action) de la langue dans une situation précise. Plusieurs linguistes, dont Benveniste et Jakobson, se sont alors intéressés à l’étude de faits de langue qui renvoient à la situation d’énonciation. On retrouve ainsi l’un des thèmes privilégiés de la linguistique énonciative, à savoir l’étude des embrayeurs, c’est-à-dire la classe des éléments linguistiques qui, tout en appartenant à la langue, nécessitent, pour être interprétés, la prise en compte de la situation d’énonciation (les pronoms personnels je et tu, les adverbes déictiques temporels et spatiaux de type maintenant, aujourd’hui, ici, à côté, etc.). Cet axe de recherche s’est développé d’une manière considérable ces dernières années, et s’est montré particulièrement fécond dans les études sur la temporalité.
Un autre axe de recherche tout aussi important concerne la façon dont l’énonciateur se situe par rapport à son énoncé, à son interlocuteur, et au monde. C’est que l’énonciation ne se réduit pas à une simple transmission d’information, mais implique, entre autres, de la part du locuteur une certaine manière de présenter le contenu de son énoncé. On rencontre ici, dans la tradition française, un certain nombre de concepts énonciatifs fondamentaux, dont l’un des plus importants est sans doute la distance, plus ou moins grande, que le locuteur instaure avec son énoncé. Un énonciateur peut en effet totalement prendre en charge le contenu de son énoncé — par exemple par l’emploi du pronom personnel je, ou par l’emploi de certains verbes performatifs (voir acte de langage), etc. —, comme il peut marquer vis-à-vis de ce contenu une certaine réserve, voire un rejet total. Cette non-prise en charge peut par exemple être marquée par certains emplois du conditionnel et par l’usage des adverbes de modalité de type sans doute, peut-être, etc. Cet axe de recherche a donné naissance, ces dernières années, à l’une des théories énonciatives les plus prometteuses : la théorie polyphonique, introduite notamment par Oswald Ducrot.
Il convient enfin de préciser que le concept d’énonciation, notamment dans le domaine anglo-saxon, a constitué le point de départ de nombreuses autres recherches qui se situent sur les frontières de la linguistique (psycholinguistique, sociolinguistique, pragmatique, ethnographie de la communication, etc.).
Agrandir
flexion, fait que certaines catégories de mots d'une langue subissent des variations de forme indiquant certaines modifications de leur signification ou spécifiant leur fonction syntaxique dans la phrase. La notion de flexion regroupe les conjugaisons verbales, avec les distinctions de nombre, de temps, de personne, de mode et de voie, comme en français venir, venons, vienne, vins, venu ; les déclinaisons, c'est-à-dire les distinctions de genre, de nombre et de cas marquant les noms et les adjectifs, comme en français gentil (masculin singulier), gentille (féminin singulier), gentils (masculin pluriel), gentilles (féminin pluriel), et les formes comparatives et superlatives, comme en allemand groß, größer, größte « grand, plus grand, le plus grand ». Les deux types de modifications caractéristiques de la flexion sont les changements internes au radical d'un mot, comme en anglais ring, rang, rung, « retentir, résonner [respectivement au présent, au prétérit et au participe passé] », et l'utilisation d'affixes accolés au radical, comme le -ant de marchant, ou le -ait de épelait.
Toutes les langues indo-européennes possèdent un système de flexion plus ou moins élaboré, dont on attribue l'un des plus complexes à l'indo-européen commun, la langue ancêtre de cette famille. Dans la plupart des langues indo-européennes, on constate l'existence de changements flexionnels internes au radical et d'affixes joint à celui-ci, apparaissant souvent simultanément dans un même mot (comme dans l'allemand Männer, « hommes », pluriel de Mann, ou dans l'anglais sold, participe passé de sell). Le changement flexionnel interne à la racine est particulièrement développé dans les langues sémitiques. Le chinois est un exemple de langue qui n'utilise aucun type de flexion.
Tout au long de leur développement historique, de nombreuses langues indo-européennes, telles que le français et l'anglais, ont profondément modifié, voire abandonné en partie, le système flexionnel dont elles avaient hérité (du latin, dans le cas du français, et du germanique commun, dans celui de l'anglais). Cette perte des formes flexionnelles se manifeste de façon exemplaire en anglais, d'où ont disparu les désinences des déclinaisons, un grand nombre de celles des conjugaisons, et la distinction entre les genres masculin, féminin et neutre. L'ordre des mots dans la phrase a remplacé certaines fonctions de la flexion, en particulier les cas des substantifs. L'abandon de ces formes nuit à la concision : par exemple, la traduction littérale en anglais de certaines phrases latines demande jusqu'à deux fois plus de mots que dans la langue originale. En revanche, cette évolution a pour effet de simplifier la structure grammaticale d'une langue ; un verbe grec, par exemple, peut revêtir jusqu'à 249 formes différentes.
Agrandir GRAMMAIRIEN ET LINGUISTES
Auerbach, Erich (1892-1957), philologue et critique littéraire allemand.
Né à Berlin, Erich Auerbach succède à Leo Spitzer à la chaire de philologie romane de Marburg, puis est contraint de quitter l’Allemagne, chassé par les nazis. Il se réfugie d’abord en Turquie, où il enseigne une dizaine d’années, avant de gagner les États-Unis, où lui est confiée une chaire à l’université Yale.
Spécialiste de littérature romane, il est l’auteur d’une série d’essais littéraires d’une portée fondamentale, dont le plus célèbre demeure Mimésis : la représentation de la réalité dans la littérature occidentale, publié en 1946. Voyage extraordinaire à travers la littérature occidentale, allant de l’Odyssée d’Homère à la Promenade au phare (1927) de Virginia Woolf, l’auteur cite et commente un extrait symbolique des textes clés de la littérature — depuis la Divine Comédie de Dante au Rouge et le Noir de Stendhal, en passant par Gargantua de Rabelais et Don Quichotte de Cervantès, tout en confrontant et en remettant en perspective chacune des œuvres entre elles. Auerbach reconstitue ainsi les grandes étapes de la représentation de la réalité dans la littérature occidentale, en éclairant le lien réciproque existant entre les conditions — sociales, culturelles, idéologiques, etc. — de production des œuvres et le mode de traitement de la réalité par chacune d’elles. Il se dégage de ce fait de ses études une vision du monde propre à chaque œuvre.
En 1957, il publie la Langue littéraire et son public dans l’Antiquité tardive et au Moyen Âge, vaste étude portant sur la transition entre le monde gréco-romain et l’univers chrétien, entre l’Antiquité et la modernité, s’appuyant sur l’analyse de textes latins classiques et médiévaux, avec, en filigrane, l’idée force d’une parenté entre les diverses littératures européennes, liée à leur origine linguistique commune.
D’un intérêt majeur également, les Études sur Dante (1929-1954) rassemblent des essais composés tout au long de l’activité critique d’Auerbach et témoignent d’une admiration fidèle pour le grand poète florentin.

PRÉSENTATION
Aulu-Gelle (v. 130-v. 180), érudit, grammairien et compilateur latin, auteur des Nuits attiques.

2.
ITINÉRAIRE INTELLECTUEL
Originaire de Rome, Aulus Gellius fut l’élève du grammairien Sulpice Apollinaire, du rhéteur Antonius Julianus et surtout des sophistes. Esprit curieux et soucieux d’apprendre, il s’intéressa à Épictète, Hérode Atticus, Varron, Cicéron, Virgile et, comme de nombreux Romains séduits par la culture grecque, se rendit à Athènes pour étudier.
Si l’on en croit leur titre, c’est lors d’un séjour près d’Athènes que furent composés les vingt livres des Nuits attiques, probablement après 170. Cet ouvrage est la compilation des notes qu’Aulu-Gelle prit durant son apprentissage de la grammaire, de la rhétorique et de la philosophie. Destiné par l’auteur à ses enfants, ce recueil à fonction encyclopédique et didactique constitue un précieux témoignage sur la vie littéraire des Ier et IIe siècles.

3.
PRINCIPES DES NUITS ATTIQUES
S’opposant à « la science bigarrée et brouillonne », Aulu-Gelle fustigeait tous les compilateurs du savoir qui « au cours de leurs nombreuses lectures variées, ramassent à la pelle tout ce sur quoi ils tombent, sans faire de tri et sans distinguer ce qui doit être souligné, ne recherchant que l’abondance ».
Dans les 398 chapitres de ses Nuits attiques, Aulu-Gelle prend donc le contrepied des habitudes de son temps. Il traite, de manière éparse, de littérature, de linguistique, de géométrie, d’astronomie, d’histoire, de géographie, de météorologie, de droit, de médecine, etc. Mais, si l’ordre y est dicté par le hasard et si nulle organisation théorique ne semble structurer l’ensemble, l’ouvrage se distingue pourtant des florilèges de curiosités en vogue à l’époque tant par le traitement approfondi des questions abordées que par la teneur des informations données.
Les Nuits attiques, qui nous sont parvenues presque dans leur intégralité, furent très consultées dans l’Antiquité et au Moyen Âge : elles sont citées à maintes reprises par le philosophe païen Macrobe (IV-Ve siècles), par saint Augustin, par le philosophe Jean de Salisbury (1115-1180), mais aussi par Pétrarque, Thomas More ou Érasme.
Agrandir

1.
PRÉSENTATION
Bakhtine, Mikhaïl (1895-1975), critique littéraire russe, dont les travaux novateurs sur les œuvres de Dostoïevski et de Rabelais, développant les notions fondamentales de dialogisme et de carnavalesque, ont profondément influencé la critique et la recherche sémiotique contemporaine.

2.
INFLUENCE DES FORMALISTES
Né à Orel, Mikhaïl Mikhaïlovitch Bakhtine était issu d’une famille aristocratique, mais désargentée. Il fit des études de lettres à l’université de Saint-Pétersbourg et se passionna dès cette époque pour la philosophie allemande. Après la révolution d’Octobre, il devint instituteur en province, puis fut nommé professeur de littérature à Vitebsk, où il fréquenta notamment le peintre Chagall.
Installé en 1927 à Leningrad, il y fréquenta, à l’Institut d’histoire de l’art, les principaux représentants de l’école formaliste russe. Il fit paraître successivement le Freudisme (1927), la Méthode formelle en histoire littéraire (1928), le Marxisme et la philosophie du langage (1929), ouvrages où il utilisait l’apport des sciences humaines et du marxisme dans l’étude littéraire.
Soupçonné de subversion, Bakhtine subit un exil administratif en Sibérie mais, à partir de 1936, il fut de nouveau autorisé à enseigner à l’École normale de Saransk. Cette période fut pour lui une intense phase de travail et de recherche.

3.
DIALOGISME ET CARNAVALESQUE
En 1927, Bakhtine fit paraître l’une de ses œuvres majeures, Problèmes de la poétique de Dostoïevski, où il mettait en lumière l’aspect dialogique (polyphonique) des romans dostoïevskiens (voir Dostoïevski, Fedor). Il acheva plusieurs années plus tard la rédaction de son ouvrage l'Œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance (1941) (voir Rabelais, François), texte théorique fondamental qui exposait sa conception du roman comme culture populaire du rire et plus largement sa conception de la création littéraire comme exercice carnavalesque, c’est-à-dire comme refus de l’ordre, refus d’une forme fixée, normative, refus d’un langage univoque, ou, si l’on veut, comme célébration de l’ambivalence. Le discours carnavalesque, mettant à mal les formes de l’épopée ou du mythe, est ainsi le seul apte à rendre compte de la multiplicité de la vie et de l’éclatement du réel.
Si Bakhtine adopte une approche linguistique ou structurale des textes, il se refuse néanmoins à réduire sa lecture à une perspective univoque, dénaturant et appauvrissant l’objet littéraire ; l’histoire et la société, en particulier, ne peuvent être exclues de l’étude critique d’un texte, car tout discours littéraire, même le plus intime, est marqué par l’ensemble de la communauté. La littérature est perçue par Bakhtine comme un fait complexe, lieu où se croise une multiplicité de discours hétérogènes, réseau de connotations en nombre indéfini, impossible à fixer de façon définitive, impossible à clore sur lui-même.
À partir de 1946 et jusqu’en 1961, Bakhtine dirigea, à l’université de Saransk, la section de littérature russe et étrangère. Il mourut à Moscou en 1975. Redécouverte dans les années 1960, son œuvre n’a pas cessé, depuis, de susciter l’intérêt des critiques, des linguistes et des sémiologues.
Bally, Charles (1865-1947), linguiste suisse. Élève et successeur de Ferdinand de Saussure, il est le fondateur de la stylistique linguistique.
Né à Genève, Charles Bally fait des études de latin et de grec, puis soutient une thèse de philologie avant d’enseigner dans les écoles secondaires de Genève. Parallèlement, il écrit deux ouvrages importants : le Précis de stylistique paraît en 1905 et le Traité de stylistique française en 1909. C’est dans ce second ouvrage que l’auteur présente l’orientation de sa stylistique, laquelle doit s’attacher tout particulièrement aux modulations de la langue.
Si Charles Bally considère que la subjectivité du locuteur rend bien compte d’une modalité particulière de la langue, il s’intéresse davantage à la construction des énoncés qu’à leur rapport à l’auteur : il veut montrer comment des énoncés de styles très différents peuvent avoir la même signification. C’est pourquoi sa stylistique est avant tout linguistique.
Bally devient titulaire de la chaire de linguistique générale et de comparaison des langues indo-européennes à l’université de Genève en 1913, à la mort de Saussure, dont il entreprendra (avec A. Séchehaye) la reconstitution, à partir de notes d’élèves, du Cours de linguistique générale.
Son ouvrage intitulé Linguistique générale et linguistique française, paru en 1932, demeure important de par sa nouveauté même. Dans cette œuvre, Charles Bally développe sa propre théorie linguistique. À partir de la linguistique saussurienne, il appréhende la langue dans sa dimension synchronique, mais y ajoute sa conception de l’énonciation qu’il fonde principalement sur le signe et sur la chaîne syntaxique.
La théorie de Charles Bally en fait un précurseur de la linguistique pragmatique qui trouvera un développement par la suite chez Austin et Searle, notamment ; mais son appréhension de la stylistique le conduit aussi à être l’un des fondateurs de la linguistique structurale (voir structuralisme).
Barthes, Roland (1915-1980), critique et sémiologue français, auteur du Degré zéro de l'écriture, qui fut l'un des premiers à appliquer à la critique littéraire des concepts empruntés à la psychanalyse, à la linguistique et au structuralisme.
Enfant fragile, orphelin de père, menacé, selon ses propres termes, par « l'ennui, la vulnérabilité, l'aptitude au désespoir », Roland Barthes fut élevé par sa mère à Bayonne, où il commença son enseignement primaire. Il déménagea pour Paris à l'âge de huit ans et poursuivit sa scolarité au lycée Montaigne, puis au lycée Louis-le-Grand. Atteint d'une première crise de tuberculose, il fit une cure dans les Pyrénées en 1935, puis il entama des études de lettres, qu'il poursuivit jusqu'à la licence. Plusieurs rechutes de tuberculose le contraignirent cependant à interrompre ses études et à effectuer de nombreux séjours en sanatorium, de 1941 à 1946. Après avoir enseigné à Bucarest, puis à Alexandrie, comme lecteur à l'Université, Roland Barthes entra au CNRS comme stagiaire de recherche en lexicologie d'abord, puis en tant qu'attaché de recherche en sociologie. En 1962, la qualité de ses travaux lui valut d'être nommé directeur d'étude à l'École pratique des hautes études et, en 1967, il soutint sa thèse de doctorat, intitulée « Système de la mode ».
L'originalité de la pensée de Roland Barthes — dont le parcours atypique s'est toujours tenu d'une certaine façon à l'écart des institutions universitaires classiques — se mit à rayonner bien au-delà des séminaires qu'il animait et du cercle de ses disciples. Sociologue, il fut aussi dès les années cinquante une des figures majeures de la « nouvelle critique ».
Son premier ouvrage important, le Degré zéro de l'écriture (1953), pose un des concepts clés de sa pensée, résidant dans une définition originale du terme d'écriture : « … l'écriture est une fonction ; elle est le rapport entre la création et la société, elle est le langage littéraire transformé par sa destination sociale, elle est la forme saisie dans son intention humaine et liée ainsi aux grandes crises de l'Histoire. » (le Degré zéro de l'écriture). Avec Michelet par lui-même (1954), Sur Racine (1963), Essais critiques (1964) et Critique et Vérité (1966), Barthes inaugura une méthode critique empruntant à la psychanalyse, à la linguistique, au structuralisme, déclenchant du même coup une véritable polémique avec les tenants de la critique traditionnelle universitaire et en particulier avec Raymond Picard, professeur à la Sorbonne et spécialiste de Racine, qui attaqua Barthes dans Nouvelle Critique ou Nouvelle Imposture (1965), pour lui reprocher ses imprécisions et ses généralisations abusives. Au-delà de cette querelle, c'est la conception même du texte qui posait problème.
Les années soixante furent, malgré ces résistances, celles d'un renouveau de la critique : l'essor des sciences humaines apporta un souffle neuf aux problématiques de la littérature. Parallèlement au Nouveau Roman, la nouvelle critique chercha des approches inédites : elle proposa même une conception neuve du fait littéraire, qui s'attachait moins aux notions d'œuvre et d'auteur qu'à celle de texte, par exemple.
En sémiologue, Roland Barthes contribua à faire admettre une conception du texte comme système de signes perpétuellement à interpréter, à redéchiffrer, selon une méthode inaugurée dans Mythologies (1957), ouvrage où il s'attachait à analyser les enjeux cachés des objets et des faits quotidiens.
Barthes, devenu l'une des figures marquantes du structuralisme et de la sémiologie, fut élu en 1976 au Collège de France, où l'on créa pour lui la chaire de sémiologie littéraire. Il y professa quatre ans, mais mourut prématurément en 1980, renversé par un camion.
Référence majeure de l'intelligentsia française des années soixante et soixante-dix, Roland Barthes a montré d'une façon originale le continuum qui existe entre la littérature et la critique, en soulignant ce que l'essai théorique ou critique pouvait avoir de profondément « romanesque » ou même d'« autobiographique ». C'est ce dont témoigne l'adresse au lecteur de son autoportrait intellectuel, Roland Barthes par Roland Barthes (1975) : « Tout ceci doit être considéré comme dit par un personnage de roman. ». C'est aussi ce que montre le principe de la composition des Fragments d'un discours amoureux (sorte d'ouvrage de réflexion sur l'amour, à la manière du De l'amour de Stendhal) : « C'est donc un amoureux qui parle et qui dit … »
Agrandir
Baudouin de Courtenay, Jan Ignacy (1845-1929), linguiste polonais, dont l’œuvre, restée longtemps méconnue, est aujourd’hui considérée comme le premier maillon de la phonologie.
Né à Varsovie, Baudouin de Courtenay poursuit ses études à Prague, à Berlin et à Iéna avant d’enseigner principalement à Cracovie et à Saint-Pétersbourg. En 1914, ses idées avancées et audacieuses le conduisent pour quelques mois en prison. Son travail sera de ce fait très peu connu de son vivant. C’est par l’intermédiaire d’un de ses élèves, L. V. Chterba, que ses théories seront dévoilées.
Pour Baudouin, la construction d’une langue repose sur des éléments psychologiques : toute langue est selon lui individuelle. La langue que pratique une population donnée n’est autre « qu’une construction déduite d’une série entière de langues individuelles existantes ».
Les études de Baudouin reposent essentiellement sur la distinction qu’il opère entre sons et phonèmes. Il oppose ainsi les sons bruts du langage qui constituent la physiophonétique (acoustique et articulatoire) aux « équivalents psychiques du son » (les phonèmes) relevant de la psychophonétique. Sa théorie sur le phonème le rapproche de Saussure et en fait le précurseur de la phonologie, laquelle sera par la suite élaborée par Jakobson et Troubetzkoï.
Baudouin a ainsi influencé la phonologie structurale qui a repris la notion de phonème en en modérant l’aspect psychologique.
Agrandir
Ben Yehuda, Eliezer (1858-1922), homme de lettres de langue hébraïque, lexicographe et rénovateur de l'hébreu. De son vrai nom Eliézer Perelman, Eliézer Ben Yehuda est né en Lituanie en 1858. Tout en étudiant la médecine à Paris en 1879, il s'intéressait à l'idée de raviver la culture juive dans sa patrie. Il émigra en Palestine en 1881 et, quatre ans plus tard, fonda une revue consacrée à l'hébreu comme langue vivante. Il entreprit aussi de forger de nouveaux mots d'hébreu, nécessaires à la vie moderne. En 1910, il commença à compiler son Dictionnaire complet de l'hébreu ancien et moderne en 17 volumes, lequel fut achevé après sa mort, en 1959.

PRÉSENTATION
Benveniste, Émile (1902-1976), linguiste français, spécialiste de grammaire comparée.
Les travaux d’Émile Benveniste portent principalement sur l’étude de la langue indo-européenne d’une part, et sur la linguistique générale d’autre part. Il contribue aux côtés d’André Martinet et de Lucien Tesnière (1893-1954) aux publications du Cercle linguistique de Prague dans les années 1930. Émile Benveniste succède, en 1937, à son maître Antoine Meillet à la chaire de grammaire comparée au Collège de France.

2.
LES TRAVAUX SUR L’INDO-EUROPÉEN
Émile Benveniste contribue, dans un premier temps, aux recherches sur l’histoire de la grammaire comparée des langues indo-européennes (Origines de la formation des noms en indo-européen, 1935, les Infinitifs avestiques, 1935 ; Noms d'agent et Noms d'action en indo-européen, 1948). S’appuyant sur l’étude du hittite, il s’attache à définir de façon systématique et rigoureuse la racine primitive en indo-européen. Ces différents travaux marquent un tournant décisif dans ce domaine de la recherche.

3.
LES TRAVAUX EN LINGUISTIQUE GÉNÉRALE
Entre le signifiant et le signifié, le lien est nécessaire.
On doit également à Émile Benveniste des travaux importants dans le domaine de la linguistique générale. Ses recherches, réunies dans Problèmes de linguistique générale (1966 et 1974), portent sur la sémiotique et approfondissent la réflexion saussurienne sur l'arbitraire du signe linguistique en spécifiant le caractère contraignant de la relation signifiant-signifié : « entre le signifiant et le signifié, le lien n’est pas arbitraire ; au contraire il est nécessaire. »
Ses recherches dans le domaine de l'analyse du discours mettent en évidence l'existence d'un « appareil formel de l'énonciation », constitué par l'ensemble des termes déictiques, pronoms personnels et démonstratifs, que toutes les langues possèdent. Il oppose ainsi par exemple les pronoms personnels je/tu, correspondant respectivement au locuteur et au destinataire au pronom il, pronom de la troisième personne, qu’il appelle « non-personne ».
Il commente également, dès les années 1960, les recherches menées dans le domaine de la pragmatique énonciative par les philosophes du langage ordinaire. Il s’intéresse notamment à l’unité phrase et s’attache à montrer, dans la suite de l’analyse de Ferdinand de Saussure, comment elle participe à la fois de la langue et du discours.
Bloomfield, Leonard (1887-1949), linguiste américain, défenseur de la linguistique scientifique. Ses travaux ont eu une influence déterminante sur le cours de la linguistique américaine.
Né à Chicago, il obtient son diplôme de troisième cycle de l’université de Harvard en 1906, et son doctorat de l’université de Chicago en 1909. Bloomfield a joué un rôle déterminant dans la fondation de la Société linguistique d’Amérique, en 1924, et ses travaux ont contribué de façon décisive à la constitution d’une linguistique scientifique, c’est-à-dire d’une linguistique entendue comme science autonome. Au début de sa carrière, il est influencé par le béhaviorisme, sur lequel il appuie son propre travail, en particulier son approche de la question du sens. Son principal ouvrage, le Langage (Language), publié en 1933, opère une synthèse de la théorie et de la pratique de l’analyse linguistique. Sa pensée et ses travaux ont dominé le développement de la linguistique américaine durant les vingt années suivantes. Rétrospectivement, son approche a été qualifiée de « structuraliste », parce qu’elle recourait à différentes techniques pour identifier et classer les éléments de la structure de la phrase.



Alphabet phonétique international : les sons du français






phonétique, nom donné à la discipline qui étudie les sons des langues humaines du point de vue de leur production et de leur réception.
La production et la réception des sons se font à trois niveaux : linguistique (élaboration du message par le locuteur, identification et intégration des données par l'auditeur), physiologique (activités neuromusculaires nécessaires aux actes d'élocution et d'audition) et acoustique (propriétés physiques des signaux sonores lors de l'émission et de la réception). La phonétique s'intéresse plus particulièrement aux niveaux acoustique et physiologique qui déterminent trois types d'analyse : une analyse acoustique pour le premier, une analyse articulatoire et une analyse auditive pour le second.

2.
PHONÉTIQUE AUDITIVE
À l'origine, la phonétique a d'abord été une phonétique auditive, prenant pour point de départ la réception des sons par l'auditeur. Cette méthode empirique, reposant sur un vocabulaire imprécis, est tombée en désuétude. Sous le terme de phonétique auditive, on désigne également un second type d'analyse, utilisée aujourd'hui et qui, par des tests acoustiques, cherche à comprendre comment l'ensemble des sons sont interprétés par l'oreille.

3.
PHONÉTIQUE ARTICULATOIRE
La phonétique articulatoire, travaillant non plus sur l'audition, mais sur la manière dont les sons sont articulés, c'est-à-dire sur la dimension physiologique de la production des sons, correspond à une orientation moderne des études phonétiques. Dans cette perspective physiologique, elle prend en compte la totalité des organes dits de la parole. Ces organes sont tout d'abord l'appareil respiratoire et le larynx, en l'occurrence les cordes vocales, dont la vibration permet la sonorisation, ou voisement, dans le cas des consonnes sonores ou des voyelles, puis les organes mobiles : la langue (on distingue la pointe de la langue, ou apex, et le dos de langue), les lèvres, le voile du palais et la luette. Par ailleurs, on prend en compte le point d'articulation, c'est-à-dire l'endroit de la cavité buccale vers lequel se dirige le dos de la langue lors de l'articulation d'un son. Les fosses nasales peuvent également jouer un rôle de résonateur dans l'émission de certains sons, qu'il s'agisse de voyelles ou de consonnes. Le phénomène de la nasalisation par exemple consiste en un abaissement du voile du palais permettant de laisser passer une partie de l'air par le nez. Voir Voix.

4.
PHONÉTIQUE ACOUSTIQUE
La phonétique dite acoustique, autre orientation moderne, étudie quant à elle les vibrations sonores lors de la transmission des sons, dans le but de mettre en évidence la relation entre les propriétés physiques des ondes sonores de la parole et le fonctionnement du code linguistique.

5.
CONSTITUTION DES VOYELLES ET DES CONSONNES
Répartis en consonnes et en voyelles, les sons du français sont organisés en syllabes, chaque syllabe devant comporter une voyelle qui en constitue le centre. Les sons se prononcent dans le cadre de la syllabe et non isolément.
La différence entre les voyelles et les consonnes réside en ce que, lors de l'émission des consonnes, l'air provenant des poumons rencontre un obstacle. Cet obstacle peut consister en une fermeture totale (occlusion) ou bien en un resserrement (constriction). Par ailleurs, les consonnes peuvent être sonores ou sourdes, alors que les voyelles, en principe toujours sonores, sont caractérisées par une vibration des cordes vocales et un libre passage de l'air dans le canal buccal.
Dans l'articulation des voyelles dites palatales, la partie antérieure du dos de la langue s'élève vers le palais dur. Dans celle des voyelles dites vélaires, la partie postérieure du dos de la langue s'élève vers le voile du palais. On les classe en fonction de leur degré d'aperture, c'est-à-dire de l'écartement des mâchoires au point d'articulation. On distingue ainsi des voyelles fermées : i, y, u, voyelles mi-fermées é, eu (de feu), o (de dos), mi-ouvertes è, eu (de peur), o (de robe) et ouvertes a, â. Le e muet, s'il est prononcé, a une articulation voisine de celle de eu (de peur). Le français possède aussi une série de voyelles nasales in, an ou en, un et on.
Parmi les consonnes, on distingue :
— une série d'occlusives sourdes (c'est-à-dire articulées sans qu'il y ait vibration des cordes vocales) p, t, k et une série parallèle d'occlusives sonores b, d, g (de guerre). L'opposition terme à terme des consonnes de ces séries se fait sur la base de ce seul critère sourd / sonore. P et b sont toutes les deux des occlusives bilabiales, c'est-à-dire que leur articulation met en œuvre les deux lèvres, mais p est une consonne sourde alors que b est une consonne sonore ;
— deux séries de constrictives sourdes s, ch, f ou sonores z, j, v ;
— des sonantes, caractérisées par un obstacle articulatoire faible. Les sonantes, comme leur nom l'indique, sont toutes sonores. Elles consistent en une série de nasales m, n, gn, en une consonne dite latérale l et en une vibrante r.
Il existe par ailleurs des sons intermédiaires, dits semi-consonnes ou glides, comme le son ï de paille, le son w de roi et u de luire, et dont le point d'articulation est intermédiaire entre le point d'articulation d'une voyelle et celui d'une consonne.
Agrandir

1.
PRÉSENTATION
linguistique, étude scientifique du langage. Cette étude peut porter sur les sons, le vocabulaire ou la grammaire de langues spécifiques, sur les relations entre les langues, ou bien sur les caractères universels de toutes les langues. Les aspects sociologiques et psychologiques de la communication peuvent également être un objet d’étude pour la linguistique.
Sous le terme de linguistique sont rassemblés plusieurs types d’approche. Une approche synchronique analyse la langue à un moment précis de son évolution ; on étudiera par exemple le français parlé à Paris dans les années 1880. À l’opposé, une approche dachronique ou historique s’intéresse aux changements que connaît une langue sur plusieurs siècles. De ce point de vue, on a pu étudier les prolongements du latin dans les langues romanes. La linguistique diachronique était l’approche la plus commune au xixe siècle tandis qu’au xxe siècle, on a adopté un point de vue à la fois diachronique et synchronique.
Les études linguistiques peuvent en outre être menées de manière théorique ou appliquée. La linguistique théorique vise à construire des modèles de langue ou à élaborer des théories permettant de décrire des langues ou d’expliquer leur structure. La linguistique appliquée utilise les découvertes de l’étude scientifique de la langue dans les domaines de l’enseignement des langues et de l’élaboration des dictionnaires (lexicographie). Avec le développement de l’informatique sont apparues la traduction assistée par ordinateur et la reconnaissance automatique de la parole, autant de domaines d’application de la linguistique.

2.
ASPECTS DE LA LINGUISTIQUE
Il existe différentes façons d’analyser et de décrire une langue et les changements qui s’y produisent. Néanmoins, chaque approche prend généralement en compte les sons de cette langue (phonétique), la morphologie (formation des mots) et la syntaxe. La plupart des analyses abordent également les problèmes du vocabulaire et de la sémantique.
La phonétique est l’étude de tous les sons de la parole et de la façon dont ils sont produits. Elle se distingue de la phonologie qui est l’étude et l’identification des phonèmes, c’est-à-dire des sons distinctifs d’une langue.
La morphologie traite des unités porteuses de sens dans la langue, qu’on appelle morphèmes. Il peut s’agir de mots autonomes (pomme, maison, joie), de terminaisons de mots comme le -s du pluriel (maisons, pommes), de désinences verbales -er et -ir pour l’infinitif des verbes du premier et du deuxième groupe, -ant pour le participe présent (jouant), de préfixes et de suffixes (dé- dans défaire, détourner ; in- dans incrédule, incroyable ; -ible dans impossible ; -ier dans sucrier, saladier). On compte également parmi les morphèmes des modifications internes indiquant des catégories grammaticales comme le nombre (cheval, chevaux).
La syntaxe porte sur les relations entre les éléments que constituent les mots dans une phrase. Par exemple, en français, l’ordre des mots est en général sujet-verbe-complément : Marie a acheté une tarte. L’ordre une tarte a acheté Marie n’a pas de sens sur le plan de la syntaxe française.

3.
PREMIÈRES APPROCHES DE LA LINGUISTIQUE




Gottfried Leibniz





Depuis les balbutiements, dans l’Antiquité jusqu’au xive siècle, la linguistique se résumait principalement à la philologie. Au ve siècle av. J.-C., le grammairien indien Panini décrivit et analysa les sons et les mots du sanskrit. Plus tard, les Grecs et les Romains introduisirent la notion de catégories grammaticales qui, pour l’essentiel, sont celles qui servent toujours de noyau à la grammaire.
Par la suite, le développement de l’imprimerie, la multiplication des traductions de la Bible dans de nombreuses langues et l’essor de nouvelles littératures rendirent possible la comparaison des langues. Au début du xviiie siècle, le philosophe allemand Leibniz avait suggéré que l’égyptien, les langues européennes et asiatiques avaient peut-être un ancêtre commun. Même si ce postulat s’est révélé par la suite partiellement faux, il n’en a pas moins donné son impulsion initiale à la philologie comparée (ou linguistique comparée). Vers la fin du xviiie siècle, un érudit britannique du nom de sir William Jones observa que le sanskrit présentait des similitudes avec le grec et le latin, et il avança l’idée que ces trois langues avaient peut-être une origine commune. Au début du xixe siècle, les linguistes allèrent beaucoup plus loin dans cette hypothèse. Le philologue allemand Jacob Grimm et le danois Rasmus Christian Rask remarquèrent que, lorsque les phonèmes d’une langue correspondaient selon un schéma régulier à des phonèmes qui occupaient une place similaire dans des mots d’une autre langue apparentés sur le plan du sens, les correspondances étaient cohérentes. Par exemple, les phonèmes initiaux du latin pater (« père ») et ped- « pied » correspondent de façon régulière aux mots anglais father et foot. Voir aussi Grimm, loi de.



Wilhelm et Jacob Grimm





À la fin du xixe siècle, les correspondances des sons avaient été largement étudiées. Un groupe de spécialistes des langues européennes, connu sous le nom de néogrammairiens, avança l’idée que non seulement les correspondances de sons entre des langues apparentées étaient régulières, mais que les exceptions à ces règles phonétiques provenaient uniquement d’emprunts à une autre langue (ou d’une règle complémentaire portant sur la régularité des changements de sons). Par exemple, le latin d devrait correspondre à l’anglais t, comme dans dentalis qui signifie tooth (dent). Le mot anglais dental a toutefois un son d. Les néogrammairiens en ont conclu que l’anglais a emprunté dental au latin, tandis que tooth (qui contient le t attendu selon la règle de correspondance régulière) est un mot anglais « d’origine ».
On désigne du nom de méthode comparative la méthode qui consiste à comparer des mots apparentés de différentes langues pour découvrir l’existence de changements réguliers de sons. Cette méthode a permis de dégager des familles de langues, c’est-à-dire des groupes de langues apparentées. On a ainsi pu énoncer le principe d’une famille indo-européenne composée de nombreux sous-groupes ou branches.
La description de correspondances régulières de sons a également permis de comparer diverses formes d’une langue donnée telle qu’elle est parlée dans plusieurs régions par différentes populations. Ce domaine d’étude porte le nom de dialectologie. Il peut s’attacher aux différences de sons, de constructions grammaticales ou de vocabulaire, ou bien traiter ces trois thèmes en même temps. Par exemple, les études sur les dialectes ont permis de dégager en Allemagne un grand nombre de dialectes correspondant aux régions historiques. On citera notamment le dialecte du nord (Plattdeutsch), le souabe (Schwäbisch), le dialecte parlé dans le Palatinat (Tsälzisch), celui parlé dans la région de Cologne (Kölsch), le bavarois (Bayerisch). L’allemand parlé en Suisse alémanique et celui utilisé en Autriche sont également des variétés dialectales.

4.
APPROCHES MODERNES
Au xxe siècle, l’étude de la linguistique s’est développée dans plusieurs directions.

1.
Linguistique descriptive et structurale




Franz Boas





En linguistique descriptive, les spécialistes recueillent des données auprès de locuteurs natifs ; ils analysent les composants de leurs discours et organisent les données en fonction de niveaux hiérarchiques distincts : phonologie, morphologie et syntaxe. Ce type d’analyse a d’abord été effectué par Franz Boas et par Edward Sapir quand ils décrivirent les langues amérindiennes qui n’étaient pas encore consignées. Contestant les méthodes et les techniques de description linguistique qui s’appuyaient sur les textes écrits, ils élaborèrent des méthodes permettant d’identifier les sons distincts ou signifiants d’une langue et les unités minimales de combinaisons de sons porteuses de sens (par exemple, les racines des mots et les affixes).



Ferdinand de Saussure















Ferdinand de Saussure
Portrait du Suisse Ferdinand de Saussure, fondateur de la linguistique moderne.
Encyclopédie Encarta
Keystone/Stringer/Getty Images






Agrandir





S’appuyant sur le travail de linguistes descriptifs comme Boas et Sapir, Leonard Bloomfield proposa une analyse béhavioriste de la langue, qui s’éloignait autant que possible de considérations sémantiques. Il mit l’accent sur les procédures permettant de découvrir les sons et la structure grammaticale de langues qui n’étaient pas encore consignées. Ces procédures sont à la base de ce que l’on a appelé le structuralisme américain.
Alors que le structuralisme américain portait toute son attention sur les énoncés de parole, en Europe, le structuralisme mettait l’accent sur le système abstrait et sous-jacent de la langue que l’on pouvait distinguer des instances du discours. Cette approche se manifesta pour la première fois en 1916 avec la publication posthume de l’œuvre du linguiste suisse Ferdinand de Saussure. Ce dernier établissait une distinction entre les concepts de langue et de parole. Par langue, Saussure entendait la connaissance commune aux locuteurs d’une langue de ce qui est grammaticalement correct dans leur langue. Le terme parole désignait les propos qui sont effectivement tenus dans la langue.

2.
Cercle linguistique de Prague
Les partisans d’une autre forme de linguistique, qui s’est épanouie à Prague dans les années trente, se sont partiellement détachés de l’idée de structure de la langue — qui demeure néanmoins centrale dans leurs travaux — afin d’essayer d’expliquer la relation existant entre ce qui est dit et le contexte. Ces linguistes mirent l’accent sur la fonction des éléments d’une langue et ils insistèrent sur le fait que la description d’une langue doit inclure celle de la façon dont les messages sont communiqués. Dans le domaine de la phonologie, le concept de traits distinctifs, qui permet de dégager dans les phonèmes les points d’articulation et les éléments acoustiques, a été adopté par d’autres écoles d’analyse de la langue.

3.
Grammaire générative et transformationnelle




Noam Chomsky





Au milieu du xxe siècle, Noam Chomsky a proposé une nouvelle approche selon laquelle la linguistique devait dépasser la description de la structure des langues pour fournir une explication sur la façon dont les phrases sont interprétées et comprises dans n’importe quelle langue. Il avança que ce processus pouvait être analysé à l’aide d’une grammaire universelle (conçue comme modèle ou théorie de la connaissance linguistique, également désignée comme compétence). La compétence linguistique se réfère à la connaissance innée et souvent inconsciente qui permet aux individus de produire et de comprendre des phrases qu’ils n’ont jamais entendues auparavant. On appelle grammaire générative un système d’analyse de la langue qui permet de générer toutes les phrases grammaticalement correctes dans une langue et d’éliminer les constructions incorrectes.
Selon Chomsky, il existe d’une part des règles de grammaire universelle et, d’autre part, des règles propres à chaque langue. Dans le cas de langues spécifiques, on utilise à la fois des règles universelles et des règles particulières. Ces dernières permettent d’agencer les éléments de la phrase de différentes façons (par exemple, dans le cas de ce que la grammaire traditionnelle appelle la transformation passive, « Le chat mange la souris », et « La souris est mangée par le chat », le contenu sémantique est stable à travers chacune des deux phrases, qui peuvent être interprétées comme des paraphrases). On appelle grammaire transformationnelle une grammaire qui prend en compte les unités sémantiques sous-jacentes et les transforme pour produire des phrases compréhensibles, composées d’unités rangées selon un ordre reconnaissable. Par conséquent, une grammaire générative et transformationnelle génère toutes les phrases acceptables d’une langue et utilise des règles, appelées transformations, qui permettent de changer les éléments sous-jacents en propos tenus par un individu.

4.
Linguistique comparée moderne
Au xxe siècle, la linguistique comparée vise à définir des familles de langues dans des zones comme l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud, la Nouvelle-Guinée et l’Afrique. Dans ces régions, il ne fut possible que récemment de collecter les nombreuses données nécessaires à la reconstitution des stades antérieurs des langues parlées actuellement. Ces résultats ont permis de dégager les relations des familles de langues.
La linguistique moderne est également impliquée dans la recherche des universaux du langage. Un intérêt nouveau s’est porté sur les caractères typologiques des langues du monde, et les linguistes comparent maintenant les langues du point de vue de leurs structures syntaxiques et de leurs catégories grammaticales (telles que les langues à genres, par opposition à celles qui n’en ont pas, et les langues avec sujets par opposition aux langues avec thèmes). Ainsi, dans le projet sur les universaux du langage de l’université Stanford, le linguiste américain Joseph Greenberg et ses collègues ont montré que les langues qui partagent le même ordre de mots fondamentaux (tel que sujet-verbe-objet, objet-verbe-sujet ou objet-sujet-verbe) ont également en commun d’autres éléments de structure. De telles études comparées traduisent les efforts entrepris pour révéler dans toute leur diversité les systèmes sonores, structuraux et sémantiques des langues du monde.

5.
Analyses sociologiques et psychologiques
Le champ de la psycholinguistique est à la confluence des études de psychologie et de linguistique. Elle a, par exemple, pour centres d’intérêt l’acquisition du langage par l’enfant, la perception de la parole, l’aphasie et l’étude des rapports entre le langage et le cerveau ou neurolinguistique. Voir variation (linguistique).
La sociolinguistique est l’étude des fonctions de la langue en société. Cette discipline s’efforce de décrire la façon dont les individus appliquent des règles de parole différentes selon les situations. On peut, par exemple, étudier les raisons pour lesquelles un individu s’adresse à une personne en la vouvoyant et en l’appelant par son nom de famille ou par son prénom.
Les sociolinguistes pensent qu’il est possible de comprendre les mécanismes des changements de langue en étudiant les forces sociales qui déterminent l’usage de formes différentes selon les circonstances. Par exemple, dans certains dialectes de l’anglais américain, la prononciation du son -r est liée à la classe sociale du locuteur. Dans des expressions comme « fourth floor », certaines personnes prononcent le -r et d’autres pas, et l’usage du son -r correspond apparemment à un créneau socio-économique précis. Selon une étude portant sur l’anglais de la ville de New York, les personnes qui souhaitent passer de la petite à la haute bourgeoisie attachent un certain prestige à la prononciation du -r. Parfois même, ils pratiquent une hypercorrection et prononcent le -r là où ceux qu’ils prennent pour modèle ne le font pas.
philologie (du grec philos, « aimer », et logos, « discours »), étude des documents écrits, établissement de leur authenticité et de leur exactitude, et recherche de leur signification.
Au XIXe siècle, le terme de « philologie » faisait souvent référence, de façon plus large
Agrandir



Wilhelm et Jacob Grimm















Wilhelm et Jacob Grimm
Jacob Grimm (ici en compagnie de son frère Wilhelm) est considéré comme le fondateur de la philologie allemande grâce à sa Grammaire allemande. C'est dans la seconde édition de cet ouvrage majeur qu'il exposa sa loi sur l'évolution des sons.
Encyclopédie Encarta
Roger-Viollet/Getty Images






Agrandir





philologie (du grec philos, « aimer », et logos, « discours »), étude des documents écrits, établissement de leur authenticité et de leur exactitude, et recherche de leur signification.
Au XIXe siècle, le terme de « philologie » faisait souvent référence, de façon plus large, à l'étude de la linguistique. Au XXe siècle, la philologie a contribué aux recherches en littérature, en linguistique historique et dans d'autres domaines, en permettant la reconstitution des textes dégradés ou mutilés de manuscrits et d'inscriptions. Aujourd'hui, les philologues rétablissent souvent le texte d'un original perdu en comparant les différents exemplaires des copies conservées ; ils se livrent également à l'interprétation des textes, réunissant ainsi des informations historiques et culturelles, autant que linguistiques et littéraires.
Agrandir

1.
PRÉSENTATION




Alphabet latin






orthographe, ensemble des conventions et des règles régissant l’écriture d’une langue. L’orthographe concerne la transcription des mots de la langue (orthographe lexicale) qui ne se limite pas à la transcription des phonèmes (quand l’orthographe n’est pas complètement phonétique). Elle concerne aussi la morphologie (orthographe grammaticale) qui peut être plus riche à l’écrit qu’à l’oral (chante s’entend comme chantes et chantent, table comme tables).
L’orthographe française, quasi phonétique à l’origine, comprend de nombreuses difficultés qui conservent les traces de l’histoire de la langue ; dans sa forme actuelle, elle a été fixée au XIXe siècle.

2.
RÈGLES PRINCIPALES

1.
Transcription des phonèmes


1.
Transcription multiple d’un même phonème
Dans les systèmes de notation alphabétique, la transcription des sons, (plus précisément des sons significatifs, appelés phonèmes) par des lettres, est loin d’être la simple mise en correspondance d’un son et d’une lettre. La mise en correspondance stricte n’existe que rarement en français. Un phonème unique peut, par conséquent, être marqué par une lettre, mais aussi par deux, voire trois lettres : le phonème o est marqué par o dans sot, par au dans saut, par eau dans seau. On trouve jusqu’à huit façons de transcrire le son qui finit brin : ain, aim, en, ein, im, yn, ym. Le phonème f peut correspondre à la lettre f, à la double lettre ff ou à ph (philosophie). Le phonème v est dans la majorité des cas représenté à l’écrit par la lettre v (veuve), mais il peut aussi, quoique plus rarement, s’écrire w (wagon). Le e ouvert peut être transcrit par è (mère), e (mer), é (sécheresse), ê (rêve), ë (Noël), ei (neige) ou encore ai (faire) (voir accent). Certains phonèmes, comme ou et ch, ne peuvent être transcrits que par un digramme, c’est-à-dire un groupe de deux lettres (ou) ; (ch, sh ; et sc dans fascisme). Le phonème ch peut également être retranscrit par un trigramme (schisme).

2.
Transcription unique de plusieurs phonèmes
À l’inverse, une lettre unique peut correspondre à deux phonèmes, comme x, qui retranscrit ks dans fax, axe et gz dans exercice, examen. Le phonème ks peut en outre être retranscrit par cc (accéder) ou par xc (exciter).

2.
Lettres muettes
Dans presque tous les mots du lexique, il existe des lettres muettes, dépourvues souvent de fonction morphologique, mais dont la présence s’explique par diverses considérations relevant de l’histoire de la langue (lettres autrefois prononcées et conservées comme la désinence t dans fait ou lettres restituées d’après l’étymologie comme p dans compter).
Les lettres muettes peuvent figurer à l’intérieur d’un mot (compter, scène), ou en finale de mot (banc, poing, poids, temps, long, court, dont, petit, grand, haut, choix, assez, vingt, cent, galop, plomb, enfant, fonds, puis, puits, mois, mort). En fin de mot, la consonne muette peut être prononcée en cas de liaison ; s se sonorise en z (g se prononce k dans la langue soutenue : un sang impur) ; t et d se prononcent t en liaison.
Certaines lettres muettes étymologiques ont fini par entrer dans la prononciation : dans dompter, le p ne se prononçait pas, puis sa prononciation s’est imposée même si elle a été d’abord dénoncée comme une faute.

1.
Le e muet
Le e dit muet ne se prononce plus obligatoirement, du moins en prose (voir versification) et dans l’accent standard (voir français), à moins que sa suppression ne forme un groupe de trois consonnes : fredaine, mais ch(e)val, fill(e).

2.
Le h muet
On mentionnera le h, qui n’est associé à aucun phonème, c’est-à-dire qu’il n’existe qu’en tant que lettre, qu’il soit à l’initiale d’un mot (haleine), en position interne (arrhes, ethnie) ou, très exceptionnellement, en position finale (aneth). Le h joue néanmoins un rôle dans les phénomènes de liaison et d’élision, autorisées dans le cas du h dit muet (homme, histoire — mots d’origine latine) et impossible dans le cas du h dit aspiré (hérisson, hêtre — mots d’origine germanique). C’est ce rôle dans la liaison et l’élision qui a fait appeler certains h initiaux h « aspirés », alors qu’il n’y a pas d’aspiration ni d’expiration (contrairement, par exemple, à l’anglais où le h initial — how, happy, here — est réellement prononcé).

3.
Lettres doubles
Il existe un certain nombre de consonnes doubles, servant à retranscrire un phonème simple et non pas une consonne dite géminée, comme c’est le cas dans l’italien terra, par exemple, dans lequel le double r n’est pas seulement une marque graphique, mais correspond bien à un phénomène phonétique de gémination, c’est-à-dire d’intensification et de prolongement. Il n’existe pas de véritable géminée en français. Presque toutes les consonnes peuvent être redoublées (abbaye, accabler, addition, affaire, agglutiner, akkadien, illégal, emmener, ennemi, apparaître, arrêter, asseoir, attendre), mais le redoublement du b (abbé, abbatiale), du d (additif, adduction), du g (aggraver, agglomérer) est rare, celui de k, j, v et z est exceptionnel et limité à des emprunts à des langues étrangères, et celui de q, x et w, impossible.
Le système orthographique du français ne comporte que quelques rares voyelles doubles (alcool).
Dans une même famille lexicale coexistent des formes avec consonne double (honneur, honnête, -honn- radical dit populaire) et des formes avec consonne simple (honorable, honorer, -honor- radical savant).
L’orthographe permet enfin de distinguer les mots homophones, indistincts à l’oral, bien que, dans des énoncés ordinaires, le contexte fournisse les indications nécessaires à leur interprétation sémantique et syntaxique correcte (sot, seau, saut, sceau ; thym, teint, tain ; vers, vert, verre, ver ; signe, cygne).

4.
Rôle morphologique de certaines lettres

1.
Dans les noms, déterminants et adjectifs
Même si elles ne sont pas audibles, certaines lettres jouent un rôle, dans la mesure où elles donnent des indications morphologiques sur le genre ou sur le nombre. Dans les formes jolie, jolis, jolies, les marques de genre et de nombre ne sont pas perceptibles à l’oral, et c’est à l’écrit qu’elles jouent leur rôle de marqueur morphologique. Le mécanisme de la liaison les rend néanmoins sonores devant une voyelle (de jolis enfants) ou un h muet (de jolies histoires). Le pluriel des noms et des adjectifs est ainsi indiqué à l’écrit par -s dans la plupart des cas (maisons), sauf pour les mots qui se terminent déjà au singulier par -s, -x, ou -z (tas, croix, nez). Dans les énoncés comportant une occurrence de croix ou tas au pluriel, la consonne finale ne doit pas être interprétée comme une marque morphologique de pluriel, celui-ci n’étant manifesté par aucune marque. À l’écrit, le pluriel des noms en -au, -eau et -eu est en -x (tuyaux, seaux, neveux). Le pluriel des noms en -ou est marqué régulièrement par -s (clous) à l’exception d’une série de sept noms marqués par -x (bijoux, cailloux, choux, genoux, hiboux, joujoux et poux). Voir aussi adjectif.
L’opposition morphologique est parfois marquée à la fois à l’oral et à l’écrit, mais de façon différente : l’opposition entre les articles le et les (nombre) est marquée à l’oral par une opposition vocalique œ/é, à l’écrit par la présence ou l’absence du s, l’opposition entre grand et grande (genre) est marquée à l’oral par une prononciation ou non de la consonne, à l’écrit par la présence ou non du e.

2.
Dans les verbes
On observe le même phénomène en ce qui concerne les formes verbales, dans lesquelles des indications morphologiques systématiques sont données par des lettres muettes. Le s de chantes, chantas, chantais, chanteras, chanterais est ainsi caractéristique de la deuxième personne du singulier. Si la distinction entre le passé simple chantas et l’imparfait chantais est audible, la différence entre chantai et chantais n’est marquée qu’à l’écrit, les formes étant homophones à l’oral et devant, par conséquent, être interprétées à l’aide des indications fournies par le contexte linguistique. Il en va de même pour des formes du type voudrai (indicatif futur) et voudrais (conditionnel présent), homophones à l’oral, — du moins dans certaines prononciations régionales — mais distinctes à l’écrit.
Pour vérifier l’orthographe grammaticale, il peut donc être intéressant de reformuler en remplaçant la forme douteuse par une forme ne posant pas de problème d’homophonie : Si c’était simple, je le ferais et non je le ferai car nous le ferions est possible et non nous le ferons ; La lettre que j’ai envoyée et non envoyé, car que j’ai écrite est possible et non que j’ai écrit.
Voir aussi verbe.

3.
HISTOIRE DE L’ORTHOGRAPHE

1.
L’évolution médiévale
Au Moyen Âge, l’« orthographie » ne concernait d’abord que le latin. Le français était transcrit presque phonétiquement à l’aide de cet alphabet latin de 23 lettres. L’écriture évolua avec la prononciation : fet remplaça par exemple fait chez certains copistes. Mais le français écrit eut tendance, dès le début, à conserver dans l’écriture une prononciation ancienne, pour éviter par exemple des confusions : ainsi oi fut conservé au détriment de oe parce que oe notait déjà une variante dialectale de ue (anglo-normand troeve pour l’ancien français trueve, le trouve du français moderne).
La disparition des consonnes finales dans la prononciation ne multiplia pas seulement les lettres devenues muettes, elle laissa libre cours du XIIIe au XVe siècle à l’ajout latinisant de consonnes trouvées dans les étymons, parfois dans le souci d’améliorer la lisibilité des manuscrits : on écrivait ainsi doigt au lieu de doi.

2.
La Renaissance
C’est à la Renaissance qu’apparut la nécessité de normaliser une orthographe devenue confuse et compliquée. Certains proposèrent le retour à une orthographe phonétique (traduction du Menteur de Lucien par Meigret, 1548). D’autres, dont Ronsard (avertissement au quatrième livre des Odes), proposèrent une simplification : généralisation de l’accent aigu, abandon des x et z en fin de mots, simplification des consonnes doubles, abandon de ph et ch dans les mots d’origine grecque où ils ont été utilisés, n devant toutes consonnes, etc. La distinction ignorée de l’alphabet latin entre u et v, et i et j fut proposée par Ramus (1562), diffusée par les imprimeurs hollandais, adoptée par Corneille (1663).

3.
Les tentatives classiques
Le XVIIe siècle tenta de fixer une norme unique, mais l’Académie française refusa, en 1694, celle des réformateurs radicaux (comme Poisson, Alfabet nouveau de la vrée et pure ortografe fransoise, 1609). Au XVIIIe siècle, certains imprimeurs apportèrent de nombreuses modernisations : tête et non plus teste, français et non plus françois.

4.
La normalisation et les réformes
Encadrés
ENCADRÉ
Les Rectifications de l'orthographe
Soucieux d’adapter la langue aux réalités modernes, le Conseil supérieur de la langue française, dans son Rapport de 1990 intitulé « les Rectifications de l’orthographe » — rapport commandé par le Premier ministre en octobre 1989, présenté à l’Académie française le 3 mai 1990, puis approuvé par elle à l’unanimité —, adresse aux auteurs de mots nouveaux (chapitre 4) une série de recommandations destinées à simplifier les difficultés qui se présentent quotidiennement du fait de l’évolution des techniques et des mœurs. Guidées par un souci d’unification et de cohérence, les nouvelles règles de graphie, qui constituent l’abord premier de la langue par ses utilisateurs, visent par exemple à la francisation des mots d’origine étrangère ainsi qu’à l’élimination des bizarreries de ponctuation.
ouvrir l'encadré
C’est au XIXe siècle qu’est née l’orthographe moderne normalisée : les imprimeurs suivirent désormais le Dictionnaire de l’Académie (1835, sixième édition, qui officialisa certaines modernisations mais en refusa aussi beaucoup d’autres) ; l’institution scolaire se généralisa ; les examens en français nécessitèrent une normalisation officielle (1832). Dans le Rouge et le Noir de Stendhal (1830), Julien Sorel est repris pour avoir écrit cela avec deux l, comme le mot signifiant prison en latin. Une campagne pour une grande réforme de l’orthographe fit grand bruit dans les années 1900 (première simplification officielle de l’accord des participes passés). Depuis, des commissions ont été régulièrement réunies, des grammairiens ont proposé des projets. Grande réforme officielle, l’arrêté Haby a notamment instauré en 1976 des « tolérances grammaticales et orthographiques ». De moindre importance, les « rectifications de l’orthographe » parues au Journal officiel en 1990 ont proposé des simplifications (possibilité de supprimer certains accents circonflexes sur le i ou le u et de souder les mots composés) et la réduction de certaines incohérences (chariot est désormais toléré avec deux r, comme dans charrette).
La nécessité d’une simplification est recommandée par les plus grands linguistes. Pourtant, l’orthographe traditionnelle apparaît en France comme une institution symbolique de la Nation, et demeure comme telle très populaire : le concours de dictée instauré par le magazine Lire depuis 1985 rencontre un énorme succès.
L’orthographe lexicale connaît de nombreuses difficultés indéfendables mais qui font les délices des jeux d’orthographe : fausses étymologies (forcené au lieu de forsené), séries incohérentes (déjeuné, mais jeûner ; levraut mais lapereau ; crûment mais absolument ; substantiel mais circonstanciel ; dixième mais dizain ; trappe mais chausse-trape, etc.). Des simplifications partielles s’imposent ; cependant, le projet d’une orthographe totalement phonétique pose de nombreux problèmes : coordination des pays francophones, rééditions des textes, transcription des mots étrangers et des noms de famille, diversité des prononciations régionales, ambiguïtés du type dû / du, etc.
Agrandir

1.
PRÉSENTATION




Scriptorium
















Scriptorium
La plupart des mots français viennent du latin. Les mots sont passés naturellement du latin populaire parlé en Gaule romaine à l'ancien français puis au français moderne. Mais le français a également puisé, au Moyen Âge, des termes latins, notamment pour le vocabulaire ecclésiastique et théologique puis pour le vocabulaire scientifique.
Encyclopédie Encarta
THE BETTMANN ARCHIVE






Agrandir






étymologie, terme désignant à la fois la science de l'évolution des mots et l'origine d'un mot. Difficile à définir précisément, l'étymologie a été, au cours de sa longue histoire, rattachée à la philosophie comme à la linguistique. Formé sur l'adjectif grec (« vrai »), le terme signifie « étude du vrai ».

2.
DE LA CONJECTURE À LA SCIENCE
Les toutes premières spéculations philosophiques et théologiques sur l'origine des mots étaient liées à la réflexion sur l'origine du langage. En dehors de toute perspective historique, certains partaient du principe que le langage avait une origine naturelle (onomatopéique), d'autres, qu'il s'était établi sur des conventions.

1.
Déductions analogiques
Les premiers essais en matière d'étymologie s'appuyaient sur des constats de similitude entre les mots. Au début du VIIe siècle, Isidore de Séville (Etymologiae) recensait des étymologies fondées sur des analogies : le latin corpus était ainsi une contraction de l'expression corruptus perit parce que le corps est mortel.
Par la suite, d'autres auteurs (Estienne Guichard, l'Harmonie étymologique des langues, 1606) ont été jusqu'à établir des étymologies complexes en manipulant les lettres des mots et en procédant à des inversions, des anagrammes ou des permutations. L'erreur fondamentale de ce type d'analyse, c'est que l'étymologiste part du sens pour justifier ensuite l'évolution de la forme, ce qui revient à admettre que le sens est plus stable que la forme phonétique. Cette conception de l'art étymologique, fondée sur la croyance que la vérité des mots consiste dans leur conformité avec les choses, a perduré jusqu'au XIXe siècle.

2.
Première perception historique
Parallèlement, dès le Moyen Âge, une nouvelle conscience de l'importance du paramètre historique est apparue, qui, si elle s'est précisée au XVIIe siècle, ne s'est vraiment affirmée qu'au début du XIXe siècle.
Ce n'est qu'en abandonnant l'idée de la nécessité du lien entre le mot et la chose et en adoptant cette perspective historique, que l'étymologie a pu devenir ce qu'elle est depuis le XIXe siècle : une science consistant à rechercher les étymons, c'est-à-dire les mots ou morphèmes plus anciens qui sont à l'origine d'une forme.

3.
PREMIÈRES LOIS PHONÉTIQUES
La découverte du sanskrit permit à l'étymologie de prendre un caractère plus scientifique. Au début du XIXe siècle, les linguistes comparatistes qui étudiaient le sanskrit remarquèrent que cette langue présentait des ressemblances lexicales avec le latin et le grec. Après que la comparaison lexicale eut été étendue à d'autres langues, l'idée d'une origine commune, d'une parenté linguistique indo-européenne se fit jour et eut pour conséquence l'élaboration de lois phonétiques comme la loi de Grimm. Jacob Grimm (1822), à la suite du linguiste danois Rasmus Rask, releva des correspondances systématiques entre les sons de mots de sens équivalent appartenant à des langues différentes. Il remarqua, entre autres, que les langues germaniques avaient un /f/ là où d'autres langues indo-européennes, comme le latin et le grec, avaient un /p/ (gotique fotus ; latin pedis).
Ainsi, le développement de la phonétique historique, qui systématise les évolutions sonores dans la langue et en établit les lois, a constitué le premier outil indispensable de la science de l'étymologie. Dès lors l'étymologie complète d'un mot devait rendre compte de son évolution phonétique. On a ainsi établi qu'une langue peut posséder des doublets, dont l'un correspond à l'évolution phonétique normale à partir de l'étymon, et l'autre à un emprunt savant (c'est le cas par exemple du couple frêle / fragile, dont le second provient du latin fragilem, cependant que le premier représente une évolution phonétique depuis le bas latin fragile(m)).

4.
ÉTYMOLOGIE MODERNE
L'étymologie moderne repose sur ces découvertes des comparatistes. Les recherches étymologiques sont diachroniques. Il est nécessaire de déterminer la forme et l'usage le plus ancien du mot et de respecter l'évolution historique. Pour ce qui est des langues indo-européennes, les lois phonétiques doivent être prises en compte, tout particulièrement dans le cas des consonnes. Les ressemblances de forme et de sens entre des mots de langues non apparentées relèvent vraisemblablement du hasard, et, en tant que telles, ne doivent pas être prises en compte.
Des ressemblances phonétiques accidentelles ont ainsi pu être prises, à tort, pour des mutations phonétiques ou pour une preuve de parenté. Le fait que le latin taurus ressemble à l'arabe thaur, tous deux signifiant taureau, ou que l'anglais sheriff ressemble au mot arabe sharif, relèveraient ainsi du hasard dans la mesure où il n'y a aucune relation de parenté.
Le XXe siècle a vu se mettre en place une controverse entre les tenants d'une étymologie exclusivement fondée sur les lois phonétiques, comme Gaston Paris, et ceux qui voulaient introduire la sémantique dans la recherche étymologique comme Gilliéron ou Schuchardt. De ces débats a résulté une conception de l'étymologie qui doit prendre en compte non seulement la filiation des formes mais aussi des sens successifs, de même que les facteurs sociologiques de changement (influence de l'usage populaire, par exemple). Le mot est dès lors étudié à l'intérieur d'un système complexe de relation (champs sémantique, extension géographique d'utilisation, etc.).
Agrandir

1.
PRÉSENTATION




Langues du monde






langue et langage, systèmes structurés de signes oraux ou écrits qui permettent la communication entre les êtres humains. Plus précisément, le langage est la faculté que possède l'être humain de s'exprimer, ce qu'il fait au moyen d'une langue, système de communication propre à la communauté à laquelle il appartient. Dans la perspective des recherches sur la cognition, le langage joue un rôle dans la connaissance.

2.
APPROCHES DU LANGAGE
Le langage peut être étudié du point de vue de sa structure et de celui de son utilisation. La discipline à laquelle est spécifiquement dévolue l'étude du langage et des langues dans leur diversité est la linguistique. Un certain nombre des concepts de la linguistique a cependant pour origine des notions anciennement élaborées par la grammaire et la philosophie du langage. Pour ce qui est de l'étude de l'utilisation du langage dans ses formes littéraires, elle relève de la rhétorique, de la stylistique, de la poétique ou de l'herméneutique.

3.
LANGAGE ET COMMUNICATION ANIMALE
L'étude du langage comme moyen d'expression inclut nécessairement l'étude des gestes et des sons. Si l'on considère que les animaux s'expriment à l'aide de gestes et de sons, on peut se demander s'il est possible de parler à bon droit d'un langage animal. Ce qu'on appelle « communication animale » concerne la manière dont les espèces communiquent à l'aide de signes non verbaux. C'est seulement par métaphore que l'on peut parler de langage animal, dans la mesure où le langage ne peut pas être réduit à sa fonction de communication, et où il présente un certain nombre de différences irréductibles. Les langues offrent en permanence la possibilité de communiquer de nouveaux messages, ce qui n'est pas le cas de la communication animale. Elles distinguent le contenu communiqué des mots servant à le communiquer. Enfin, l'objet de la communication peut se référer au passé et au futur, caractéristiques que ne possèdent pas les systèmes de signes non verbaux. Voir aussi Comportement animal.

4.
CARACTÈRES ESSENTIELS DE LA PAROLE
Certains facteurs sont nécessaires à l'existence du langage humain. Il s'agit de facteurs physiologiques (le corps doit être capable de produire les sons de la parole), de facteurs grammaticaux (la parole doit avoir une structure), et enfin de facteurs sémantiques (l'esprit doit être capable de traiter le sens des paroles ; voir Sémantique).

1.
Physiologie
L'être humain semble être, parmi les organismes vivants, celui qui dispose du système de communication le plus efficace. Dans le cas de la parole, un souffle d'air est produit par les poumons et il est modulé par la vibration (ou l'absence de vibration) des cordes vocales, ainsi que le mouvement de la langue, du voile du palais et des lèvres (voir Voix). Le passage de l'air provenant des poumons peut être obstrué à des degrés divers ; il peut être ou non dirigé vers la cavité nasale ou, au contraire, en être détourné. (Voir Phonétique.)

2.
Grammaire
Les langues utilisent des sons pour produire du sens. Elles possèdent une structure hiérarchique descriptible à trois niveaux correspondant aux trois paliers de l'analyse grammaticale. Le niveau phonologique prend en charge la description des sons, ou, plus précisément, des phonèmes, c'est-à-dire les sons qui ont une valeur distinctive à l'intérieur du système d'une langue donnée ([f] est un phonème du français, mais non [θ] de l'anglais thing, par exemple, qui existe en revanche dans d'autres langues). La morphologie étudie les unités significatives ou morphèmes, qui peuvent soit coïncider avec le mot, soit être une partie d'un mot. La syntaxe étudie la façon dont les mots se combinent pour constituer des phrases. (Voir Grammaire).

3.
Sémantique
Conçue initialement par Michel Bréal comme une « science des significations », la sémantique peut également être considérée comme recueillant tout l'héritage de la philosophie antique et médiévale, dans le domaine de la réflexion sur la signification. La sémantique s'efforce de répondre à des questions comme « quel est le sens du mot X ? », « que signifie X ? », non pas en disant « X signifie x ! », ce que tout locuteur parlant la langue dans laquelle X existe est capable de faire, mais en étudiant la manière dont les signes réfèrent à des choses extra-linguistiques et s'opposent entre eux au sein du système d'une langue donnée.
La sémantique linguistique, celle qui traite du sens des mots et des expressions, est nécessairement plus restreinte que celle qui, traitant du sens des phrases et des énoncés, inclut la composante pragmatique, c'est-à-dire des considérations sur l'intentionnalité et la différence entre le sens littéral d'un énoncé et son sens intentionnel. Littéralement, un énoncé tel que « Pourriez-vous me passer le sel ? » est une question, mais du peu de probabilité d'une réponse telle que « oui, je peux, ce n'est pas très difficile », on peut déduire que son sens intentionnel n'est pas d'être une question, mais une demande polie.
Selon qu'on définit la sémantique comme l'étude du sens, comme l'étude du sens des mots ou comme celle du sens des mots, des phrases et des énoncés, on lui assigne un domaine dont l'ampleur est variable. (Voir Sémantique.)

5.
LANGUES DU MONDE




Grandes langues du monde





La communication, qu'elle passe par la parole, par le geste ou par d'autres types de signaux, implique les mêmes processus pour tous les humains. Toutefois, les langues parlées actuellement dans le monde sont très nombreuses, et il existe de grandes différences entre elles sur le plan des systèmes phoniques comme sur celui des structures grammaticales.

1.
Classification par la forme
Les langues peuvent être classées selon la forme de leur grammaire. Au début du XIXe siècle, les linguistes se sont efforcés de regrouper les langues selon quatre catégories morphologiques ou typologiques qui sont liées à la façon dont les mots sont formés. Il s'agit des catégories dites « isolantes », « agglutinantes », « flexionnelles » et « incorporantes ».
Les langues dites isolantes possèdent, en général, des mots indépendants et isolés, sans préfixes ni suffixes. La langue qui représente le mieux ce type est le vietnamien, dans lequel le nombre de mots correspond de façon assez exacte au nombre de morphèmes.
Dans les langues dites agglutinantes (du latin, agglutinare « coller sur »), les mots sont composés de racines ou éléments de base, et d'un ou de plusieurs morphèmes de sens différents. Parmi les langues agglutinantes, dont les mots sont constitués par des suites de morphèmes agglutinés, on trouve le turc, où äv signifie la « maison », ävdä « dans la maison », ävlär « les maisons » et ävlärda « dans les maisons ». Les morphèmes sont simplement accolés les uns aux autres et conservent leur identité morphologique dans les mots, si bien qu'ils sont facilement repérables.
Dans le cas des langues flexionnelles, l'unité de base a fusionné avec les parties ajoutées qui n'ont plus de signification indépendante. En latin, la personne et le nombre du sujet se reflètent dans la forme du verbe, comme dans fero (« je porte »), ferimus (« nous portons ») et ferent (« ils portent »).
Une langue incorporante se caractérise par le fait que les compléments d'objet directs, indirects et les autres éléments de la phrase sont incorporés dans le verbe. Par exemple, en swahili (voir Afrique, langues d'), le mot hatukuviwanunulia signifie « Nous ne les avons pas achetées pour eux » (« les » : « choses » ; « eux » : « les gens »). Les composants de ce mot sont ha (négation), tu (« nous »), ku (indication du passé), vi (« les »), wa (« eux ») et nunulia (« acheter »).

2.
Classification génétique




Familles de langues du monde contemporain





Deux langues peuvent avoir des modes similaires de formation des mots, sans être pour autant apparentées. Établir les relations de parenté unissant des langues consiste à étudier leur généalogie et à les classer génétiquement. À la différence d'une classification typologique, une classification génétique suppose que l'on compare des unités de sons et de sens de différentes langues dans le but de découvrir une origine commune.
Comme dans le cas des ressemblances entre individus d'une même famille, les similitudes entre langues apparentées ne dépendent ni de l'endroit ni de la période pendant laquelle les langues sont parlées. Les membres d'une famille de langues sont unis par un lien historique et descendent tous d'une même langue originaire. Les arbres généalogiques montrent les relations de parenté entre les langues. La langue la plus ancienne que l'on connaisse se trouve à la cime de l'arbre, et les branches inférieures indiquent les liens de parenté, plus ou moins distants, qui existent entre les membres vivants de la famille. Des langues peuvent être dites « apparentées » dans la mesure où elles présentent des correspondances régulières systématiques à la fois sur le plan du son et sur celui du sens.

1.
Familles asiatiques et européennes




Langues d'Europe





La famille de langues la plus connue est l'indo-européen, qui représente environ 1,6 milliard de locuteurs et comprend la plupart des langues de l'Europe et du nord de l'Inde. L'indo-européen se compose des langues romanes, germaniques, celtiques, baltes, slaves, indo-iraniennes, du grec, de l'arménien et de l'albanais, auxquels s'ajoutent le hittite et le tokharien aujourd'hui disparus. Les relations de parenté d'une langue comme l'anglais avec d'autres langues indo-européennes comme le suédois (groupe germanique nord), le latin (groupe roman) et le sanskrit (groupe indo-iranien) sont de plus en plus lointaines, selon qu'il s'agit du suédois, assez proche, ou du sanskrit.
Il existe plusieurs dizaines de familles de langues, et l'indo-européen n'est que l'une d'entre elles ; des regroupements plus larges ont également été proposés, les diverses classifications des langues ne faisant pas l'unanimité parmi les linguistes.
Il existe, en Europe, d'autres langues que celles de la famille indo-européenne. Le basque est une langue isolée, qui n'a pas de liens de parenté connus avec d'autres langues ; le finnois, l'estonien, le sami (lapon) et le hongrois sont les membres les plus occidentaux de la branche finno-ougrienne de la famille ouralienne (qui comprend également diverses langues des montagnes de l'Oural et de la Sibérie). La famille altaïque a pour branches principales le turc, les langues mongoles et le mandchou (voir Altaïques, langues). Plusieurs langues sibériennes, qui ne sont pas apparentées, sont désignées sous le nom de langues paléo-sibériennes. Dans le Caucase, trois groupes de langues, qui sont peut-être apparentés, ont été identifiés. Le géorgien est la plus connue des langues caucasiennes.
De nombreuses langues de l'Inde et des régions voisines du nord-ouest appartiennent à la branche indo-iranienne de l'indo-européen. Deux autres groupes — les langues mounda, habituellement considérées comme une branche des langues austro-asiatiques, et la famille dravidienne — représentent plus de 80 millions de locuteurs (voir Inde, langues de l'). En Asie du Sud-Est, les langues sino-tibétaines sont parlées par des millions de locuteurs. Les principales branches de cette famille sont représentées par le tibéto-birman et le chinois (qui inclut de nombreuses langues distinctes). On a pu rattacher à cette famille les langues thaïes (qui comprennent le thaï proprement dit ou siamois), mais certains ont considéré qu'elles n'avaient pas la même origine.

2.
Langues de l'Afrique et du Pacifique
Dans le Pacifique, il existe trois grands groupes de langues. On trouve d'abord la famille des langues malayo-polynésiennes, qui possède une branche occidentale ou indonésienne et une branche orientale ou océanienne ; on trouve ensuite les langues papoues, qui constituent un groupe régional de la Nouvelle-Guinée composé de différentes langues isolées et de familles de langues (dont certaines sont peut-être apparentées) ; enfin, il existe les langues des Aborigènes d'Australie, qui sont apparentées les unes aux autres, sans être liées aux langues non australiennes. La langue aujourd'hui disparue de Tasmanie pourrait représenter un quatrième groupe.
Les langues de la famille chamito-sémitique ou afro-asiatique sont parlées au Proche-Orient et en Afrique. Cette famille est constituée de cinq branches : les langues sémitiques, qui comprennent l'arabe et l'hébreu, le tchadien, qui comprend le haoussa, très répandu en Afrique de l'Ouest, le berbère, le couchitique et l'égypto-copte (aujourd'hui disparu). Trois autres familles importantes existent en Afrique. De la famille Niger-Kordofan, la branche principale est le nigéro-congolais ; celui-ci comprend les langues bantoues (comme le swahili et le zoulou), qui constituent le groupe de langues le plus répandu en Afrique. Dans la famille nilo-saharienne, le groupe principal est le chari-Nil ; sa branche nilotique comprend des langues comme le massaï. La famille khoisan inclut les langues parlées par les populations du désert du Kalahari. Voir Afrique, langues d'.

3.
Langues amérindiennes
Selon les classifications traditionnelles des langues amérindiennes, plus de cent cinquante familles sont identifiées. Beaucoup de petites familles de ces langues ne sont pas rattachées à des groupes plus larges, et il existe de nombreuses langues isolées.
Le long de la côte arctique et au Groenland, l'inupiq (famille des langues eskimo-aléoutes) est parlé par les Inuits. Dans les régions subarctiques du Canada, il existe diverses langues athabascanes et algonquines. Aux États-Unis, à l'est du fleuve Mississippi, on trouve surtout des langues algonquines, iroquoiennes et muskogéennes. Dans les Grandes Plaines, la famille prédominante est le sioux, mais les langues caddo et algonquines de l'ouest sont également parlées. Les langues shoshones (de la famille uto-aztèque) sont dominantes dans le Grand Bassin ; elles sont bordées, au nord, par la famille sahapti. Sur la côte nord-ouest, on trouve les familles salish et wakash, le tlingit (que l'on pense apparenté aux langues athabascanes) et le haida, qui est probablement une langue isolée. La branche apache de la famille athabascane est répandue dans tout le sud-ouest, elle côtoie la famille yuman et la langue pima-papago (uto-aztèque) en Arizona et en Californie du Sud. La famille uto-aztèque (aztèque ou nahuatl) est importante au Mexique et en Amérique centrale. La famille maya comprend environ deux douzaines de langues avec des millions de locuteurs.
Selon les points de vue adoptés, les linguistes classent les langues d'Amérique du Sud en plus de quatre-vingt-dix familles et langues isolées ou bien en trois grands groupes qui englobent pratiquement toutes les langues. Ces grands groupes, qui correspondent à des familles élargies ou à des ensembles de familles qui peuvent être lointainement apparentées, sont les suivants : le macro-chibcha, l'andino-équatorial et le ge-pano-caraïbe. Voir Amérindiennes, langues.

3.
Langue parlée et écrite




Sequoya et l’alphabet cherokee
















Sequoya et l’alphabet cherokee
Au début du xixe siècle, Sequoya, un membre de la tribu Cherokee, invente un alphabet composé de quatre-vingt-cinq caractères pour transcrire la langue cherokee. Beaucoup adoptent cette écriture et, en 1828, paraît le premier quotidien amérindien, le Cherokee Phoenix, publié en cherokee et en anglais.
Encyclopédie Encarta
THE BETTMANN ARCHIVE






Agrandir





Il existe toutes sortes de systèmes d'écriture. En chinois, on utilise un caractère écrit pour chaque morphème. La forme écrite du cherokee contient un symbole pour chaque syllabe composée d'une consonne et d'une voyelle. Le japonais s'écrit également avec un système de ce type, appelé « syllabaire ». Dans les systèmes écrits qui utilisent un alphabet, comme l'alphabet latin, chaque symbole représente théoriquement un phonème dans la langue parlée. L'alphabet latin comporte vingt-six lettres, et les langues qui l'utilisent font, en général, appel à toutes les lettres, quel que soit le nombre de phonèmes qu'elles possèdent. Un même phonème peut être retranscrit par plusieurs lettres ([f] peut être représenté par le digramme ph, par exemple).
Une fois historiquement fixée, la forme écrite d'une langue est à peu près statique et reflète la forme de la langue à l'époque où l'alphabet, le syllabaire ou le système de caractères a été adopté. Au contraire, la forme parlée étant dynamique et soumise au changement, il est fréquent que les formes écrite et parlée ne coïncident plus (voir Orthographe).
Dans le cas de langues dont les systèmes écrits ont été récemment créés, comme le swahili, ou réformés, comme l'hébreu, les formes écrites ou parlées ont plus de chances de correspondre. À la différence de la parole, l'écrit peut ne pas prendre en compte la hauteur d'un son ni l'accentuation, mais peut inclure des signes de ponctuation et des lettres majuscules. Les formes écrites et parlées d'une langue diffèrent également parce que l'écrit n'intègre pas les différences orales entre les dialectes. Par exemple, le locuteur d'un dialecte chinois peut très bien lire les caractères d'un autre dialecte chinois, alors qu'il est incapable d'en comprendre la langue parlée. De même, les locuteurs de différents dialectes allemands écrivent tous l'allemand standard, le hochdeutsch, ou hochsprache.

4.
Langue standard et non standard
La forme écrite d'une langue a toujours été dotée de plus de prestige que la forme parlée. Elle peut également posséder une grammaire plus complexe et un vocabulaire particulier. Dans les pays arabophones, les gens cultivés utilisent parfois l'arabe classique aussi bien à l'écrit qu'à l'oral, tandis que les autres ne parlent qu'en arabe courant. Toute langue standard est un dialecte qui, pour des raisons historiques, administratives et politiques, a été imposé au détriment des autres.

5.
Dialecte, argot et jargon
Un dialecte est une variété de langue propre à un groupe géographique et qui diffère de la langue standard. Les gens qui ont des activités en commun, ceux qui exercent une même profession ou qui évoluent dans le même milieu professionnel, utilisent un jargon spécifique. Il existe, par exemple, un jargon des juristes, des membres du clergé et des critiques d'art. Ce qu'on appelle « argot » est initialement le vocabulaire de la pègre, un ensemble d'expressions permettant aux malfrats de se comprendre sans être compris des autres. Une partie du vocabulaire d'origine argotique se retrouve dans la langue courante et est recensé par les dictionnaires.

6.
Pidgins et créoles
Tout comme une langue peut se diversifier par l'existence de dialectes et d'argots, les langues peuvent changer globalement ; le latin, par exemple, a évolué sous la forme des différentes langues romanes. Parfois, des changements rapides résultent de contacts — commerciaux, administratifs, institutionnels — entre des locuteurs qui parlent des langues différentes. De telles circonstances peuvent donner naissance à un pidgin. Les pidgins sont fondés sur la grammaire d'une seule langue, mais leur vocabulaire est influencé par d'autres langues. Leurs systèmes phoniques sont relativement réduits, leurs vocabulaires limités et leurs grammaires simplifiées et modifiées. Les pidgins n'ont pas de locuteurs natifs. Quand les locuteurs d'un pidgin ont des enfants dont c'est la langue maternelle, le pidgin devient alors une langue créole. Tel est le cas du krio, qui est maintenant la langue nationale de la Sierra Leone, en Afrique de l'Ouest. Le krio est né de ce qui était à l'origine un pidgin fondé sur l'anglais.

7.
Langues internationales
Face à la diversité linguistique de la planète, un certain nombre de langues ont été proposées comme un moyen de résoudre les problèmes internationaux censés avoir pour origine les difficultés de la communication. On a parfois considéré que les langues naturelles étaient capables de remplir ce rôle. Plus souvent, des efforts ont été entrepris afin de construire des langues artificielles que chacun puisse apprendre.
Un certain nombre de langues artificielles ont connu leurs heures de gloire, puis sont tombées en désuétude. Une langue artificielle comme l'espéranto a connu un certain succès grâce à une grammaire régulière, une prononciation facile et un vocabulaire fondé sur le latin, le grec ainsi que sur les langues romanes et germaniques. Mais pour des locuteurs parlant des langues autres que les langues romanes ou germaniques, l'espéranto était néanmoins assez difficile à apprendre. Le LOGLAN (« Logical Language ») est un nouveau langage destiné à un usage international. Présenté comme libre de toute attache culturelle, ce langage, créé en laboratoire, est censé permettre aux locuteurs d'exprimer leurs pensées clairement et sans ambiguïté. Son système phonique est limité et sa grammaire comprend peu de règles ; son vocabulaire provient des huit langues les plus parlées actuellement dans le monde.
Même si une langue internationale parfaite était créée et adoptée, nous n'aurions cependant, en aucun cas, l'assurance que les problèmes de communication mondiale seraient ainsi réduits. Bien plus, on ne comprend toujours pas les processus de pensée qui lient les idées aux langues. Même si chacun apprenait sérieusement l'espéranto ou le LOGLAN, et l'utilisait dans les négociations publiques ou internationales, il est probable que des phénomènes de modification de langue apparaîtraient assez vite. Il existerait ainsi, de par le monde, des dialectes d'espéranto ou d'une quelconque langue internationale, qui aboutiraient finalement à une différenciation encore plus grande ou à des phénomènes de pidginisation ou de créolisation.
L'anglais, qui à bien des égards fonctionne comme une langue internationale, a déjà commencé à se modifier dans les différentes parties du monde où il est parlé. L'anglais parlé en Inde est différent à la fois de l'anglais américain et de l'anglais britannique.

6.
DÉVELOPPEMENT, CHANGEMENT ET CROISSANCE DES LANGUES
Défini comme la production et la compréhension de la parole, le langage a connu une évolution qui a suivi celle de l'espèce humaine. Comme système de communication, il peut être rapproché des systèmes de communication d'autres animaux. Toutefois, comme nous l'avons indiqué précédemment, le langage humain a une dimension de création et d'interprétation qui le rend unique. Les scientifiques pensent que la parole humaine implique la spécialisation d'une partie de l'hémisphère gauche du cerveau (ère de Broca). Il est possible que ce soit cette spécialisation physiologique qui marque la séparation entre le langage humain et la communication animale.
L'immense diversité des langues dans le monde montre qu'une fois apparu au cours de l'évolution de l'Homme, le langage humain s'est modifié très vite. S'il a existé une langue originelle, ses sons, sa grammaire, son vocabulaire nous restent à jamais inconnus. La linguistique historique, qui s'efforce de découvrir et de décrire comment, pourquoi et sous quelle forme les langues apparaissent, peut simplement suggérer des hypothèses qui expliquent les changements des langues.
Au XVIIIe siècle, Leibniz suggéra que toutes les langues anciennes et modernes provenaient d'une protolangue unique. Cette théorie est appelée « monogénétisme ». La plupart des chercheurs pensent qu'une telle langue peut, dans le meilleur des cas, être considérée uniquement comme un ensemble de formules hypothétiques à l'origine des différentes langues, et qui expliquerait leurs liens de parenté. Il est peu probable que cette reconstruction corresponde à une langue originelle qui ait été effectivement parlée. Bien que beaucoup de langues modernes dérivent d'un ancêtre commun, il est également possible que le langage soit apparu simultanément dans un grand nombre d'endroits du globe. On appelle « polygénétisme » la théorie selon laquelle les familles de langues actuelles découlent de nombreuses langues originelles.
Que le langage relève en définitive du monogénétisme ou du polygénétisme, on peut considérer que les différences entre les langues sont assez superficielles. Même si des langues comme le chinois, le français et le swahili ont apparemment peu de points communs, ce qui distingue les langues est finalement de moindre importance que ce qui les rapproche. Les sons et les combinaisons de sons, malgré les spécificités de traitement propres à chaque langue, sont tirés d'un ensemble universel de sons possibles qui sont à la disposition de toutes les langues. De même, les langues possèdent des structures individuelles qui proviennent d'un fonds commun de structures possibles. En d'autres termes, les sons et les structures d'une langue peuvent être assimilés par n'importe quel individu, même si ce dernier ne les utilise pas dans sa langue maternelle. Le champ des variations possibles semble ainsi limité par les structures universelles du langage.
Lorsqu'une langue connaît des changements importants, à la fois sur le plan du vocabulaire, sur celui du son et sur celui de la structure, c'est la langue dans son ensemble qui devient autre. Ce phénomène se rencontre dans les cas de pidginisation ou de créolisation d'une langue ; il s'est également produit lors de la formation des langues romanes modernes issues du latin. Quand un dialecte minoritaire devient dominant et se sépare des autres dialectes, il devient, en fin de compte, inintelligible pour les autres dialectes et il peut donner naissance à ses propres dialectes, ou se créoliser, dans un mouvement sans fin. Ces phénomènes de formation et de développement caractérisent le langage sous toutes ses formes, et sont l'expression vivante à la fois de la nature humaine et de la culture.






.

.
.



.



.










.
.
.

.

.




.

.
.

.